samedi 6 février 2016


Lecture lente et commentée d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution (2)




La capacité d’attraction de l’Etat islamique


   Sous ce sous-titre, Scott Atran entend critiquer l’opinion assez répandue selon laquelle l’Etat islamique ne serait qu’une simple déclinaison d’un extrémisme terroriste, car une telle réduction masque la puissance fascinatrice que EI exerce  sur certains jeunes autant donc que sa véritable menace (je souligne).

 Oui, EI exerce un pouvoir d’attraction et qui peut même procurer de la joie. Joie de l’héroïsme de ses combattants, souvent des jeunes gens, prêts à se battre jusqu’à la mort ; sentiment de fusion avec tous les camarades unis pour une cause glorieuse. Je cite Atran : « Une joie qui s’accroît quand s’assouvit leur colère et s’étanche leur soif de vengeance (la science nous apprend que cela peut procurer au cerveau et au corps un réconfort similaire à d’autres formes de bonheur).
 Mais on constate aussi une forme de joie dans la région chez certains habitants qui, même s’ils n’approuvent pas la violence meurtrière de Daesh, se réjouissent de la renaissance du califat contre l’ordre politique imposé par les anciennes grandes puissances sur leur modèle d’Etat-nations, et que beaucoup identifient comme l’origine de tous leurs malheurs.
 Et ici encore, on aurait tort de croire qu’une telle révolution ne serait qu’un retour à un âge moyenâgeux. Non, le Califat, précise l’anthropologue, est à la recherche d’un ordre nouveau, basée sur la culture contemporaine.

« Nous ne renvoyons pas les gens au temps des pigeons voyageurs » déclare l’attaché de presse d’EI à Raqqa. « Au contraire, nous profiterons des nouveaux développements. Mais dans un sens qui ne soit pas contraire à la religion. »


 C’est aussi cela la réalité de l’Etat islamique et ses aspirations, et Scott Atran de nous inciter à ouvrir les yeux sur elles car « si nous refusons de les aborder autrement que par la force militaire, nous attiserons probablement ces passions et une nouvelle génération connaîtra la guerre, et pire encore».

 

   Je n’ai plus le temps de poursuivre aujourd’hui.

 Je précise à l’attention de ceux qui, ailleurs, se scandalisent déjà de mon choix de suivre de près l’analyse de Scott Atran, que plus loin dans cet article paru dans l’Obs en ligne du 2 février, mais beaucoup plus longuement dans une autre étude, l’anthropologue établit aussi un parallèle entre Etat islamique et nazisme (lire  Etat islamique : l’illusion du sublime (http://artisresearch.com/wp-content/uploads/2014/10/Satran-Cerveau-Psycho-oct-nov-2014.pdf)





8 commentaires:

  1. Max,

    Je préfère te répondre ici, sous cette seconde brève page car j'y renvoie à une étude de l'anthropologue sur EI et nazisme.
    Tenter de saisir mieux de l'intérieur ce que représente l'Etat islamique pour cette proportion inquiétante de jeunes (français par exemple), comme le propose Scott Atran, me paraît indispensable en priorité pour tenter d'assurer de l'efficience dans les campagnes de dé-radicalisation qui commencent à se mettre en place (en France et en Belgique).
    Comment dissuader efficacement si on ne comprend pas ce qui séduit ?

    Merci d'être passé.

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  2. J'avais anticipé dans un commentaire sous la note précédente en parlant de "fascination".
    A la librairie de la rue en pente à Bayonne (voir mon blog) a été annoncé une conférence début février à propos du livre de Denis CROUZET et Jean-Marie LE GALL : « Au péril des guerres de religion » qui d'après le présentateur touche au même sujet.

    A propos d'Agamben dont tu parles dans un commentaire, quand je pense à ce qui s'écrit sur cette religion "venue d'ailleurs", la solution que certains (pas tous !) semblent proposer n'est ni plus ni moins que la mise au "ban", l'a-ban-don de ces réfugiés que l'on persiste à appeler "migrants" (connotation "gens du voyage" ?)

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    1. @ Benoît
      Va falloir que je retrouve les coordonnées de ton blog.
      @ vous deux
      Dans mes échanges sur d'autres blogs, j'ai un mal fou à parler des migrants (j'emploie le terme "qualifié"), en l'occurrence ceux des "jungles" de la côte du Pas-de-Calais, sans qu'ils soient "une faune", "mes protégés" (celle-là, c'est la meilleure !), et autres qualificatifs les déshumanisant totalement. Venant tous ou presque du monde arabo-musulman et bien que n'ayant de cesse de passer outre-Manche, ils sont les envahisseurs mahométans de notre France judéo-chrétienne éternelle qui, du coup, est moins éternelle qu'on l'espérait jadis.
      En parlant d' "invasion", je reprends la stat d'Angela Merkel : 1 million pour une population de 700 millions d'Européens = moins de 0,15 %. Est-ce une invasion ? Compte-tenu des barbelés que chaque État installe, ça devient "invasif" pour trois ou quatre pays dont l'Allemagne. En ce qui nous concerne, si l'on retire cette côte qui fait face à la Grande-Bretagne, il y a actuellement moins de mille migrants sur une population de soixante millions...

      Donc, objectivement, les rejets viennent de la sédentarisation d'immigrés avec le regroupement familial, comme de la descendance des harkis. Donc nos Français issus du Maghreb, des bi-nationaux et des immigrés en position régularisée mais aussi clandestine. Ce n'est plus une invasion, c'est une présence qui est statistiquement très stable depuis trente ans.

      Et là, on retrouve les études sociologiques et socio-économiques, le poids de la culture religieuse musulmane (les stat-sondages du Nouvel Obs de cette semaine montrent effectivement le poids de la "foi" aveugle dans les comportements citoyens ou plutôt potentiellement acitoyens, arépublicains) qui alimente tout le discours ouvertement xénophobe, anti-arabomusulman qui domine le site des blogs du Nouvel Obs.

      Avec tout de même de ma part quelque nuance concernant la compréhension de ce discours. En particulier le constat que cette culture coranique est réellement génératrice d'antisémitisme, d'antijudaïsme. La peur de nos concitoyens juifs ou se réclamant d'une origine juive ou du judaïsme, palpable souvent (je l'écris avec le souvenir de conversations avec l'ami Marc, de vive voix comme au téléphone), est vraiment à écouter, à recevoir, à comprendre... et doit nous aider à plus d'indulgence envers les discours de certain(e)s...

      Si j'essayais d'exprimer cela sur la blogosphère de l'Obs (sur "Nonobs"), je me ferais rentrer dedans, à tout le moins je serais l'intervenant "au double langage". Un z'humaniste béat, à la fois islamo-gaucho et judéo-hypocrite !!!...

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    2. Bruno,

      Juste une remarque qui rejoint ton propos : Je suis comme toi consciente du surcroît de peur légitime des Juifs de France (ou d'autres pays européens) vis-à-vis de l'islamisme radical, et même seulement vis-à-vis de l'islam tout court.

      J'ai clairement et à plusieurs reprises évoqué l'antisémitisme dans les milieux musulmans, et je regrette que je n'aie point été entendue sur une telle grave question par ceux qui ont décidé que j'appartenais à jamais au camp de leurs ennemis...

      Mais il faut relativiser ce qui se passe sur un réseau social comme la blogosphère de l'Obs (une ou deux dizaines d'intervenants actifs) par rapport à la vie réelle. Il y a tant et tant de rancune personnelle et d'effet de groupe sur ce site...

      C'est aussi pour recouvrer ma liberté de pensée que je m'en suis écartée. Je ne voudrais pas me laisser rattrapée par elle à nouveau, car, je le reconnais, elle exerce un pouvoir centrifuge.

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    3. Bruno vous écrivez "..moins de mille migrants", je suppose que c'est un lapsus de clavier, ou alors le qualificatif de "migrants" prend une acception particulièrement restrictive.
      En 2015 il y a eu environ 75 000 demandes d'asile en France. La perception de grand nombre vient de ce que chaque année il entre environ 200 à 250 000 immigrants dans le pays, dont la moitié en provenance d'autres continents, et ce depuis plusieurs décennies.
      Il y a malentendu sur le "1 million pour toute l'Europe", est-ce en comptant l'immigration habituelle ou en supplément, et par ailleurs certains pays sont peu destinataires d'immigration (toutes causes confondues). Faire des comptages séparés n'a pas de sens.

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  3. "..quand s’assouvit leur colère et s’étanche leur soif de vengeance" cela me parait effectivement la motivation dominante, celle qui ressort de toutes les revendications d'exécutions et attentats.

    L'exaltation de mettre en œuvre un "ordre nouveau" joue évidemment. En outre il y a en Irak un autre phénomène, c'est le chaos qui préexistait du fait de la disparition de l'état, EI "remet du lien social" et une autorité, pour ceux qui adhèrent ou se soumettent. Chaos ou tyrannie, c'est le choix infernal.

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  4. Ceux qui sont intervenus sous ce début de notes consacrées à une étude de type anthropologique signée Scott Atran, la lisent, me semble-t-il, comme telle. Ca ne signifie pas qu’il n’y a pas d’objections à lui apporter (j’en ai et les formulerai un peu plus tard), mais que fait d’abord l’anthropologue dans son étude ? Il tente en premier lieu de rendre compte d’une réalité en tant qu’elle est vécue par ses acteurs.

    Si on veut combattre la fascination qu’exerce EI (particulièrement sur des jeunes) malgré les atrocités qu’il commet au Moyen-Orient et en Occident, il est nécessaire de le connaître de l’intérieur.

    On s’excite beaucoup sur un blog de l’Obs contre Scott Atran et plumeplume, dans un procès d’intention grossier, faisant passer la présentation de quelques faits vécus par les combattants de Daesh comme de l’adhésion pure et simple ! Quelle confusion ! Quelle soupe ! Que de contre-sens…

    P.S. A moi aussi, l’expression « ordre nouveau » résonne de lugubre manière. Mais ça ne m’empêche pas d’essayer de raisonner et non pas de seulement résonner.

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    1. Ajout :

      Je me demande aussi qui lit encore, ce qui s'appelle lire ce qui est écrit ? Suivant de près, dès les premières pages de l'étude d'Atran, j'ai écrit : "Sous ce sous-titre, Scott Atran entend critiquer l’opinion assez répandue selon laquelle l’Etat islamique ne serait qu’une simple déclinaison d’un extrémisme terroriste, car une telle réduction masque la puissance fascinatrice que EI exerce sur certains jeunes autant donc que sa véritable MENACE (je souligne).

      Je n'aime pas hurler en lettres majuscules.

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