Une note à la première personne du
singulier
Après les attentats terroristes à
Bruxelles
(ajout d'une remarque autocritique)
G. et
ses enfants sont sains et saufs.
Maman, ne t’inquiète pas, j’ai eu M. au téléphone, il va bien.
Je n’étais pas au pays ce lugubre 22 mars.
Et c’est par ces brefs messages envoyés par deux de nos enfants habitant en Wallonie,
que nous avons compris qu’il s’était donc passé quelque chose de grave à
Bruxelles. G. comme M. habitent et travaillent dans des communes populaires de
la capitale.
Le soir même, mon compagnon apprenait par son
associé d’origine marocaine et musulman que la femme de ménage de leur petite
entreprise avait été tuée dans l’attentat de la station de métro Maelbeek.
Je n’ai pu que me taire – je veux dire ne
rien publier – jusqu’à aujourd’hui. J’ai écouté en différé des témoins, des
familles endeuillées (dont le témoignage remarquable de Michel Visart, journaliste
économiste de la RTBF qui a lui aussi perdu sa fille dans l’attentat du métro
(à voir et écouter surtout, ici : https://www.rtbf.be/video/detail_invite-michel-visart-a-propos-du-deces-de-sa-fille-lauriane-dans-les-attentats?id=2095356),
lu beaucoup aussi, cherchant des articles de fond et évitant le sensationnalisme
et ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux. Certains articles ont retenu mon
attention comme celui signé par Corinne Torrekens, docteure en sciences
politiques et sociales, de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) dans une revue
en ligne que je ne connaissais pas, Orient XXI, et intitulé Contre
vents et marées, la sécularisation de l’islam en Belgique. A lire par
ceux qui entendent encore ne pas se satisfaire des comptes rendus très
approximatifs du journalisme ordinaire, et soumis au diktat de la rentabilité (http://orientxxi.info/magazine/contre-vents-et-marees-la-secularisation-de-l-islam-en-belgique,1268)
Un autre excellent article publié dans Le
Monde qui interroge Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Maghreb
contemporain à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et membre du laboratoire
IMAF. Il m’a permis tout particulièrement de prendre conscience de l’importance
de l’histoire des immigrés du Rif marocain dans le phénomène de radicalisation
islamiste et terroriste. A lire ici : http://www.newsjs.com/url.php?p=http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/23/la-belgique-est-devenue-un-trou-noir-securitaire_4888420_3232.html.
Enfin, je retiens un coup de sang signé par
le journaliste retraité de la RTBF, Jean-Jacques Jespers sur sa page Facebook, et
vous le recopie :
« Les
médias, pleins de bienveillance et dans un louable souci de conciliation,
interrogent témoins et experts après les attentats. Seulement voilà : tous les
entretiens, tous les témoignages portent sur "le vivre-ensemble" et
ce qu'il faudrait faire ou éviter pour que les relations entre musulmans et
non-musulmans soient plus harmonieuses. Désolé, mais quel rapport avec les
attentats terroristes de Paris et de Bruxelles ? L'enfer est pavé de bonnes
intentions. L'amalgame est sans doute inconscient mais il saute aux yeux : le
non-dit des attentats, c'est la place de l'islam ordinaire dans la société
européenne. Plutôt que de focaliser l'attention sur ce sujet, donc de renforcer
tacitement le hiatus entre "eux" et "nous", ne faudrait-il
pas informer davantage sur les vrais réseaux du terrorisme, qui ne passent pas
par les mosquées mais par les prisons, les amis, Internet et les bistrots ? Ne
faudrait-il pas questionner la pertinence de ce lien non démontré entre le
terrorisme et le salafisme religieux (un intégrisme dont les effets culturels
négatifs ne sont pas contestables, mais c'est une autre question) ? Les auteurs
des attentats sont des fiers-à-bras, des malfrats qui sont presque tous passés
par la case prison, des buveurs, des dragueurs, des sorteurs, des consommateurs
de hasch, des "misfits", en rupture avec leur famille qui leur a
inculqué de tout autres valeurs, mais surtout des habitués des actions
criminelles. Ils ont été recrutés par un mouvement qui n'est pas religieux mais
politico-militaire, pour effectuer des opérations qui s'inscrivent dans une
stratégie non pas religieuse mais politico-militaire : terroriser les citoyens
des pays qui attaquent ce mouvement en Syrie et en Irak, répliquer aux
bombardements sur Raqqah.... Daech est dirigé par d'anciens officiers sunnites
de l'armée de Saddam Hussein qui veulent se venger d'avoir été chassés par les
Américains en 2003 et d'avoir dû subir depuis lors un régime chi'ite qu'ils
haïssent - pas toujours à tort. Le mince vernis islamique dont ils recouvrent
leur stratégie, délirant du point de vue théologique, n'est destiné qu'à
tromper des esprits affaiblis. Leur propagande fait allusion autant à Allah
qu'aux grosses bagnoles et aux fascinantes kalachnikovs. Elle séduit autant des
gamins en perte de repères dont l'univers culturel se limite aux réseaux
sociaux que des exhibitionnistes et des machos ordinaires. Quel rapport avec
les débats sur le port du foulard ou les repas halal à l'école ? Bien sûr,
certains prédicateurs salafistes peuvent se réjouir - et inciter leurs ouailles
à le faire - des malheurs qui frappent les koufirs, et ce n'est pas plus
louable que les parades de brutes fachos sur la place de la Bourse. Mais cela
justifie-t-il une association sous-entendue mais systématique entre islam ordinaire
et terrorisme, accommodements raisonnables et djihad ? »
Une écriture à la première personne du
singulier signifie selon moi non d’abord l’ego du moi, je, mais la
responsabilité et l’engagement de ma personne dans ce que j’écris et publie.
Lors des crimes sauvages (et antisémites de surcroît)
perpétrés par Mohamed Merah à Toulouse, comme tant d’autres, je ne réalisais
pas qu’ils puissent inaugurer en fait une longue et effroyable série de
meurtres, mais qui, avec ceux de Mehdi Nemmouche au musée juif de Bruxelles un
peu après ou même les attentats de janvier 2015 à Paris contre Charlie hebdo et
l’hyper casher, n’avaient pas encore adopté le modus operandi, beaucoup plus
redoutable en nombre de victimes, des attentats kamikaze que nous connaissons désormais
depuis les attentats de Paris en novembre dernier et ceux de Bruxelles, ce 22
mars 2016.
J’ai dû m’interroger, rectifier certaines de
mes opinions (comme celle de ne considérer le port du voile intégral que comme une
question seulement marginale et sans impact réel), d’apprendre à mieux saisir
les nombreuses différences au sein de l’islam, la dangerosité du salafisme dans
sa composante théologico-politique, l’influence de la puissance du wahhabisme rétrograde
et barbare dans nos propres pays européens, celle des Frères Musulmans par ses
services sociaux sponsorisés jusque chez nous.
C’est à mes yeux évident et compréhensible, j’ai
dû faire partie un temps des naïfs, de ceux qui ont toutefois toujours raison
de défendre la cause des citoyens issus de l’immigration arabe car la
discrimination ethnique au logement et à l’emploi demeure flagrante (mon pays
est au top des pays qui discriminent le plus). Mais je soutiens bien sûr
aujourd’hui les Services de Sécurité qui font la traque aux terroristes. Je
pense même qu’il faudrait leur donner plus de moyens financiers car hélas,
malgré d’autres priorités directement sociales, c’est devenu une priorité
absolue.
Toutefois, je tiens à affirmer que je souscris
sans réserve au propos de Jean-Jacques Jespers retranscris ci-dessus. Qu’est-ce
que viennent faire tous les innombrables propos qui, en pseudo bienveillance ou
carrément en obsession, causent islam et d’islam essentialisé dans les attentats
terroristes commis en novembre dernier en plein Paris, et le 22 novembre 2016 à
Bruxelles ? Au fond, c’est comme
si, après les horreurs de la Saint-Barthélemy à Paris en août 1572, on eût cru
nécessaire de trouver dans les Evangiles ce qui aurait entraîné sa violence
extrême et qui aurait été à la base d’un tel massacre. Et qu’est-ce que les
citoyens musulmans ordinaires et majoritaires devraient plus que « nous »
avoir à dire dans de telles circonstances tragiques ?
Oui, vaste foutaise que de croire qu’il
s’agisse prioritairement de religion ! C’est d’ailleurs sans doute le
piège dans lequel entend nous prendre tous Daesh, musulmans et non musulmans, cet
état maffieux et, - je souscris à la formule même si elle est européo-centrée –
nazi. L’idéologique n’a jamais commandé aucune cause ; elle vient toujours
au secours d’une cause politique, géopolitique et de façon flagrante dans ce
Moyen-Orient de tous les dangers…
G. et ses enfants sont sains et saufs.
Maman, ne t’inquiète pas, j’ai eu M. au téléphone, il va bien.
Mondialisation de l’économie et des moyens
de communication oblige en tête, je pense que c’en est donc aussi fini désormais
de l’insularité sécurisée des pays européens. Hier encore, ce n’était qu’à la
télévision qu’on regardait des reportages de la violence la plus extrême ;
ailleurs, à des milliers de kilomètres. Aujourd’hui, nous réalisons que le
monde est un village, pour le meilleur certes encore, mais pour le pire désormais
aussi.
G. et
ses enfants sont sains et saufs.
Maman, ne t’inquiète pas, j’ai eu M. au téléphone, il va bien.
J’ose espérer seulement qu’avec l’insécurité
qui nous atteints de plein fouet et sans doute pour longtemps, à l’instar de tant
de nobles et héroïques résistants durant la Seconde Guerre Mondiale, il y aura
aujourd’hui demain, des têtes bien faites, des têtes dures mais aussi dignes et
intègres que le furent celles et ceux qui résistèrent au fascisme et au nazisme. Des têtes bien faites d’abord, c’est ce que je nous souhaite d’abord et comme en urgence.
_________________________________________
Remarque critique :
J'ai été sensible aux critiques de deux commentateurs ici et d'un ami en privé à propos de mon exclamation répétée "foutaise !" à propos de l'importance prioritaire de l'islam dans les attentats terroristes. Et à moi-même rapidement, ce passage de ma note ne me parut pas non plus satisfaisant.
Il se fait que je venais d'apprendre que selon une enquête toute récente de CNN, les frères Abdeslam en février 2015, soit 9 mois avant les attentats de Paris, dansaient, fumaient et draguaient dans une discothèque branchée de l’avenue Louise à Bruxelles.
D'autre part, mon exclamation provocatrice et donc réductrice, voulait faire remarquer qu'il était bien peu question dereligion (je voulais parler de foi et de spiritualité) mais de politique, de géopolitique et de guerre territoriale dans le chef de Daesh (avec ses leaders militaires, anciens officiers de Saddam Hussein). Par là, j'aurais souhaité que l'on ne tombe pas dans le piège d'y impliquer l'ensemble des musulmans pratiquants de nos pays et marquer mon désaccord vis-à-vis de ceux qui essentialisent l'islam et l'isolent, comme en laboratoire, des deux autres monthéismes, prétendant qu'islam et terreur sont intrinsèquement mêlés de façon anhistorique ou "panhistorique".
Mais la gravité des événements mondiaux liés au terrorisme islamiste m'oblige à revenir, à nuancer et corriger un propos exprimé de façon trop caricaturale. Car il y a effectivement depuis le début du 20e siècle, en lien avec le colonialisme et les aspirations nationalistes arabes, une idéologie islamiste qui instrumentalise les textes religieux à des fins politiques, et de politique totalitariste en plus. Du côté sunnite (wahhabisme et salafisme) mais aussi en réaction chiite (cf. la "République islamique" d'Iran).
Je me rends compte que je n'ai pas assez de connaissances suffisantes en matière d'analyse théologico politiques islamiques. Ce pourquoi, j'ai commandé le livre didactique de Boualem Sansal, Gouverner au nom d'Allah, Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe.
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Remarque critique :
J'ai été sensible aux critiques de deux commentateurs ici et d'un ami en privé à propos de mon exclamation répétée "foutaise !" à propos de l'importance prioritaire de l'islam dans les attentats terroristes. Et à moi-même rapidement, ce passage de ma note ne me parut pas non plus satisfaisant.
Il se fait que je venais d'apprendre que selon une enquête toute récente de CNN, les frères Abdeslam en février 2015, soit 9 mois avant les attentats de Paris, dansaient, fumaient et draguaient dans une discothèque branchée de l’avenue Louise à Bruxelles.
D'autre part, mon exclamation provocatrice et donc réductrice, voulait faire remarquer qu'il était bien peu question de
Mais la gravité des événements mondiaux liés au terrorisme islamiste m'oblige à revenir, à nuancer et corriger un propos exprimé de façon trop caricaturale. Car il y a effectivement depuis le début du 20e siècle, en lien avec le colonialisme et les aspirations nationalistes arabes, une idéologie islamiste qui instrumentalise les textes religieux à des fins politiques, et de politique totalitariste en plus. Du côté sunnite (wahhabisme et salafisme) mais aussi en réaction chiite (cf. la "République islamique" d'Iran).
Je me rends compte que je n'ai pas assez de connaissances suffisantes en matière d'analyse théologico politiques islamiques. Ce pourquoi, j'ai commandé le livre didactique de Boualem Sansal, Gouverner au nom d'Allah, Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe.