lundi 27 février 2017


Un brin d'analyse du vocabulaire de la novlangue

Du politiquement incorrect

(2)





ü     Bien-pensance



L’expression paraît dérivée d’une autre, d’origine américaine, le political correctness et utilisée d’abord sur les campus universitaires depuis les années 1980, pour tourner en dérision les discours de gauche qui ne diraient pas vraiment les choses comme elles sont (seraient) afin de ne pas choquer les minorités.

Dans l’une comme l’autre, les valeurs de correction et de bien sont détournées et tirées en dérision. Il faudrait donc entendre en réalité : le soi-disant politiquement correct ; la soi-disant bien-pensance. Autrement dit, en décodé, tout le contraire : le pseudo correct est incorrect en politique et le pseudo bien est le fléau de la pensée morale.


Il y avait, je pense, quelque chose de réellement interpellant à l’origine de ces trouvailles de langage. Rien de plus stérile en effet que l’attitude (de gauche) plutôt que la pensée. Et il y a certainement une responsabilité de la gauche à s’être opposée jusque dans un passé récent, et par principe, à tout discours de sécurité, et d’avoir minimisé gravement le danger du fondamentalisme islamiste par crainte d’aggravation du racisme anti-arabe, lui-même patent en terre européenne.


Mais le problème de telles expressions vient de leur abus et de la paresse intellectuelle qu’elles génèrent. Comme pour le mot idéologie / idéologique, celui de bien-pensance finit hélas par ne plus signifier en fait que qui ne pense pas comme moi, pour peu que ce moi soit, si pas de droite, au moins de gauche déçue.

On traque la bien-pensance partout, on se muscle à l’appui de penseurs ou surtout de pseudo penseurs (souvent exclusivement médiatiques), et on plombe tout essai de pensée qui s’arc-boute encore sur des valeurs comme la solidarité, le droit à la différence, l’accueil de l’étranger, la lutte contre l’inégalité des conditions sociales, et on moque l’effort des  rares politiques du vivre ensemble d’un simple qualificatif devenu exclusivement péjoratif : multiculturel.


Oui, il y a bien une novlangue de droite, et elle me paraît inquiétante, beaucoup plus aujourd’hui que les probablement justes attaques contre cette gauche dite bien-pensante ne le furent pour elle-même, et qui en effet hier encore (sans doute avant les premiers gravissimes attentats à Paris) minimisait le risque islamiste pour sans doute ne pas heurter ni stigmatiser toute une communauté.


Désolée d’en être convaincue, mais je crois en effet qu’au regard de l’histoire européenne, l’extrême-droite a constitué un danger jusqu'ici bien plus grave que l’extrême-gauche. Et ce sans doute d’abord et tout bêtement parce que la première peut séduire les classes populaires en masse de façon immédiate, et que la seconde exige souvent des analyses  théoriques (fussent-elles tronquées) ; raison pour laquelle il n’y a eu jusqu’ici que des groupuscules terroristes de cette mouvance extrême, tels la Fraction Armée Rouge, la Bande à Baader, Action Directe ou les CCC en Belgique. Aucun de ces groupuscules n’a jamais pu fédérer l’once d’un début de soutien populaire. Par contre, à l’apogée du nazisme, plus de 90% du peuple allemand soutenait la politique d’Adolf Hitler et son parti unique.

Ce qui est dangereux, c’est quand des personnalités, de formation universitaire par exemple, se mettent à snober les exigences de la pensée elle-même et à lancer des anathèmes tout faits contre ceux qui leur avancent l’une ou l’autre objections, caricaturant et diabolisant leur point de vue à coup de formules entendues : « Bien-pensants », « idiots utiles », « islamo-gauchistes » "droits-homministes" and so on…


   Ce qui est dangereux en fait, c’est quand on n’a plus le courage de penser tout court.



   On ne doit plus trop s’étonner alors que l’heure facile et dominante vire à la post-vérité.


vendredi 17 février 2017

Essai d'analyse de la novlangue du politiquement incorrect




Un brin d'analyse du vocabulaire de la novlangue

Du politiquement incorrect

(1)


ü     Idéologie



D’abord c’est complètement dingo comme la novlangue du politiquement incorrect use du terme idéologie - et surtout de son dis-qualificatif en –ique - à tout propos. Tu te dois d’oublier fissa toute la littérature autour de la fin des idéologies, de Kojève à Fukuyama, et de la problématique tout de même encore quelque peu intellectuelle autour de la Fin de l’histoire, initiée par Hegel, défendue par Fukuyama et contestée par exemple par Jacques Derrida, particulièrement dans Spectres de Marx. Avec quoi tu viens, c’est de l’élitisme ! Autant dire, fissa aussi, du gauchisme !

Non, non ! Aujourd’hui, tu appelles « idéologie » ou « discours idéologique » tout propos qui ne pense pas comme toi. Car, tu penses évidemment, en toute liberté bien entendu, toi, grâce tout de même aux algorithmes numériques qui te sélectionnent ton Web d’opinion tout personnel.

Je ris mais un peu jaune tout de même. Moi ce serait aujourd’hui Emmanuel Kant que je pleurerais d’abord face à tous ces self-penseurs de la poutre idéologique dans l’œil de l’autre. Oui, d’abord Kant, cet authentique penseur sévère qui a largement contribué à cette merveille de civilisation, Les Lumières, et à laquelle les adeptes de la novlangue du politiquement incorrect aiment se référer en se bombant le torse occidental et laïc.
Kant est le fondateur historique de la phénoménologie contemporaine. Profondément croyant mais surtout sévèrement rigoureux, il aura, dans sa Critique de la raison pure, jeter les bases de la compréhension de notre connaissance même.  Ne pas perdre de vue qu’il était aussi scientifique à part entière.
Même si dans cet essai, ce qui l’occupe c’est le statut des vérités scientifiques (à savoir dans son jargon, les jugements synthétiques a priori), il nous renseigne sur la subjectivité humaine. Dans n’importe quelle connaissance, même scientifique, nous n’avons jamais accès aux faits bruts, aux faits en eux-mêmes (ce que les philosophes grecs appelaient le « noumène », la chose en soi), et ce parce que dans la connaissance, pour le dire simplement, il y a toujours deux choses : l’objet de la connaissance et le sujet de la connaissance. Le sujet de la connaissance, - et c’est ce que démontre Kant dans les trois parties de la Critique de la raison pure -, ne ressemble nullement à la membrane de l’œil qui passivement recevrait les données de l’objet de connaissance, mais qu’il y est actif et qu’il cadre et structure les données de l’expérience en temps, espace et causalité qui sont ses propriétés à lui, en tant que sujet de connaissance. Et, ce que tente de prouver Kant, c’est que de telles propriétés de la connaissance humaine sont à la fois subjectives et a priori, c’est-à-dire nécessaires et universelles.

Pour faire comprendre cette révolution copernicienne de la raison à mes élèves, j’ai chaque fois usé de l’analogie entre des lunettes fumées (subjectivité ordinaire, à savoir contingente et particulière) et la fiction d’yeux fumés (subjectivité de type a priori). Si dans le cas de lunettes de soleil, vous pouvez percevoir l’objet avec ou sans les verres fumés (subjectivité de type a posteriori), dans le cas de la structuration de notre connaissance même, c’est comme si nos yeux mêmes étaient fumés. Impossible de retirer le « fumé » de la vision sans s’arracher les yeux, condition même de possibilité de notre perception même, of course ! Comment serait réellement la chose en elle-même ? Impossibilité absolue d’y répondre car nous devrions de façon absurde être absent de la connaissance qui est toutefois notre fait à nous !

J’ai souvent rêvé d’un dialogue entre Kant et Einstein, entre subjectivité transcendantale (ou pour simplifier une subjectivité de type a priori) et relativité générale. Oui, j’aurais adoré que ces deux grands hommes se fussent rencontrés.

J’ai un long temps fréquenté et participé à un site de scientifiques qui combattaient les néo-créationnistes d’aujourd’hui (particulièrement influents aux USA). Je les ai admirés car sans avoir jamais lu une page de la Critique de la raison pure, leur rigueur intellectuelle rejoignait celle du penseur de Königsberg. Particulièrement au sujet des attaques créationnistes vis-à-vis de la théorie de l’évolution, initiée par Darwin, la contestant malhonnêtement ou par naïveté, en arguant qu’il ne s’agirait jamais que de théorie et non de faits en eux-mêmes. Car oui, du chef de Darwin lui-même et de tous les chercheurs à sa suite, il ne peut s’agir que d’une théorie, à l’instar des astrophysiciens qui parlent juste en nommant le Big Bang, théorie du Big Bang. Et à chaque fois, ces scientifiques honnêtes précisent bien modestement qu’il ne s’agit jamais que d’interprétations de données.



   Vous constaterez que quand il est seulement question de la science la plus exacte, de l’idéologique s’en mêle pourtant illico presto. Du religieux bien sûr. Et de façon puissante, voire guerrière, parce que les sciences ne viennent nulle part conforter la thèse d’un Dieu créateur. N’oublions pas tout de même, à l’heure où l’islam fait très peur, que le mouvement drôlement puissant et multiforme de l’évangélisme américain jouit d’une énorme influence au plus haut niveau de l’Administration américaine, sous l’ère de Bush comme à celle qui s’avance dans celle de Trump.


 Qu’en serait-il donc de l’idéologique dans le monde de l’opinion ? La subjectivité ne peut que jouer bien plus puissamment encore évidemment. Pour parler encore une dernière fois dans la langue simplifiée de Kant, il est tout à fait logique qu’en matière de subjectivité a posteriori – ce qui façonne l’opinion (contingente et particulière), il y ait multiples points de vue. Tous des points de vue strictement idéologiques, si on réfléchit un peu rigoureusement.
Que faire donc à part se tirer direct une balle dans la tempe si toutes les opinions se valent parce qu’elles sont en soi toutes subjectives ? Et pour corser l’affaire, qu’elles se revendiquent toutes de valeurs déclarées universelles ?


   Quand bien même, nous sommes tous et toutes toujours déjà pris dans de l’interprétation de faits, nous pouvons tout de même nous rendre au plus près de la réalité, entre autres et surtout grâce aux méthodes de type scientifique. Au minimum pour passer de l’impression à l’opinion. Pourtant sur les réseaux sociaux, ce qui domine c’est souvent l’impression présentée directement comme le réel, sans même passer par la case discutable de l’opinion.


   Par exemple, qu’en serait-il de la main mise des « gauchistes » à l’antenne de France-Inter ? Il se fait que cette « évidence » a fait l’objet d’une publication particulière à la Une de deux journaux de droite, Valeurs actuelles et Causeur. Et aujourd’hui même sur son blog, Allegra elle-même évoque son impression : « J’écoute beaucoup France culture, et je confirme que cette radio publique n’est pas pluraliste et que la grande majorité des émissions donne la parole aux opinions de gauche présentées comme la norme morale. »

 Mais comment se décider par rapport à une simple impression ? On peut rarement la vérifier soi-même, mais pour lui donner corps ou pas, il faudrait faire une étude approfondie, globale, quantitative, et la plus neutre possible.

   Il se fait que j’ai lu ce matin attentivement l’étude rigoureuse menée par le site
Acrimed sur la base des affirmations d’impression des deux journaux bien marquées à droite Causeur et Valeurs actuelles et qui eux aussi accusent les médias publics de ne donner la parole qu’à des locuteurs de gauche.

 Etude remarquable qu’on peut lire intégralement, - mais évidemment c’est long comme toute rigoureuse confrontation -, et c’est ici : http://www.acrimed.org/Quand-Causeur-et-Valeurs-actuelles-s-essaient-a


   Mais bien sûr, aujourd’hui, la post-vérité a déjà le vent en poupe aux USA. A pas feutrés, elle gagne du terrain en Europe...


à suivre


  


mardi 14 février 2017




Anecdote à propos d’une note récente
Retirée par mes soins parce que je n’en étais pas
Satisfaite






      A fréquence régulière depuis trente ans, je m’essaie à l’écriture d’un texte qui s’appuierait sur deux brefs extraits du Talmud, choisis et commentés par Emmanuel Lévinas dans les premières pages de Quatre Lectures Talmudiques car ce fut un événement de lecture, sans doute le plus important de mon existence intellectuelle et spirituelle, et qui m’aura plongée moi-même dans l’écriture d’un premier essai, pourtant sans rien écrire à leur sujet direct dans ce premier livre.

  Je m’y suis essayée tout récemment une nouvelle fois autour du thème de la responsabilité, mais à peine ma note publiée en fin de journée, j’en étais une fois de plus très insatisfaite, et l’ai retirée de mon blog dès le lendemain matin, soulagée qu’elle n’ait pas encore été commentée.


 Afin que mon lecteur de ce jour puisse se faire une idée de quoi il s’agit, voici le passage principal de ma note :

   « Je reste à jamais marquée par la lecture du premier chapitre d’un mince livre signé du nom d’Emmanuel Levinas, Quatre Lectures talmudiques aux éditions de Minuit.

Il y est question d’une belle querelle entre rabbins à propos de ceci inscrit dans la Michna, et qui est en soi déjà inouï :

Les fautes de l’homme envers Dieu sont pardonnées par le Jour du Pardon ; les fautes de l’homme envers autrui ne lui sont pas pardonnées par le Jour du Pardon, à moins que, au préalable, il n’ait apaisé autrui
(C’est moi qui souligne)

S’en suit une dispute intellectuelle entre rabbins dans la Guemara, à coup de versets de la Thora interposés.

Un jeune rabbin brillant, Rav, aura vexé son maître, et malgré 13 demandes en pardon, le maître ne pardonnera jamais, ne se sentant jusqu’à la mort, jamais apaisé. Pourquoi ? Pourquoi donc ?

Emmanuel Levinas l’interprète ainsi :

On peut à la rigueur pardonner à celui qui a parlé sans conscience. Mais il est très difficile de pardonner à Rav qui était pleinement conscient et promis à une grande destinée, prophétiquement révélée à son maître.

Et Levinas d’enchaîner brutalement ainsi : On peut pardonner à beaucoup d’Allemands, mais il y a des Allemands à qui il est difficile de pardonner. Il est difficile de pardonner à Heidegger (…). »




   C’est évident, je réessayerai encore, m’espérant capable de meilleurs développements ou variations autour de cet axe : responsabilité / conscience / pardon.



   Voici  maintenant l’anecdote.

 Si j’étais soulagée que ma note ne fût pas encore commentée quand je l’ai retirée, j’ignorais complètement qu’elle le serait ailleurs en son absence même. Par un blogueur sans blog qui me suit, - moi et deux, trois autres -, au plus près de ses projections à lui, sur un de ses blogs de prédilection où il n’est jamais contesté, et où il peut alimenter son fonds de commerce réactif.

  Dans un des fragments de cette note, - et là aussi je n’en étais pas satisfaite -, j’avais souhaité convoquer une des pensées à propos du contraire le plus en adéquation à la responsabilité individuelle, à savoir la mauvaise foi. Or, à mes yeux, s’il y a un auteur qui en aura parlé le plus finement, c’est bien Sartre dans L’être et le néant.
Mais il se fait que je ne me sens pas du tout en accord parfait avec Sartre, que je considère qu’il a commis des erreurs de jugement, particulièrement injustes et regrettables vis-à-vis d’Albert Camus, voire aussi des fautes politiques.

Ces bémols importants, je les inscris en début du paragraphe, mais sans penser qu’un blogueur qui systématiquement me lit au minimum de façon approximative et selon le canevas de ses projections caricaturales à mon sujet, allait comprendre carrément le contraire de ce que j’avais écrit. Notez, ce n’est pas ni la première fois ni la dernière sans doute.

Bref, quelle ne fut pas ma surprise quand sur un autre blog, je suis tombée sur ceci :

« J’ai même lu des choses étonnantes sur un blog dont la note curieusement a disparu, à savoir que Camus avait eu grand tort "d’attaquer" Sartre sur le concept de la responsabilité individuelle développée par l’existentialisme. C’est est évidemment faux ! »


 Cela aura même donné lieu à un bref échange d’accord parfait entre la propriétaire du blog et son amical commentateur. Au point que, cela finisse en hystérie avec des guillemets qui me citeraient in extenso :


« Celle qui a écrit "qu’il {Camus} a eu grand-tort de s’en prendre à Sartre" en inversant les rôles, est dans une logique de soumission , en effet ,pour des raisons à jamais partisanes à partir d’un discours, toujours le même, simplificateur où est mis en avant, le conflit I/P, le colonialisme, l’esclavage etc., pour justifier des régressions en marche qui tournent le dos à des valeurs universelles. »



 J’en revenais pas quand j’ai lu ça hier soir sur ma tablette, faisant du baby-sitting auprès de mon petit-fils. Et la première chose que j’ai voulu vérifier en rentrant chez moi ce matin, c’est ce que j’avais écrit effectivement, ayant par bonheur sauvé cette note dont je n’étais pas contente ; ce qui ne m’arrive pas du tout régulièrement.


Voici ce que j’avais écrit :


   « C’est dommage. A cause d’erreurs, voire de fautes politiques et d’un injuste traitement d’Albert Camus, on snobe aujourd’hui les écrits de Jean-Paul Sartre. Oui, dommage car on se prive ainsi de pages remarquables sur la responsabilité. Particulièrement dans L’être et le néant. »


 A la première relecture,  je n’ai strictement rien trouvé d’équivoque qui ait pu ailleurs me faire dire l’exact contraire de ce que j’avais écrit. Mais, n’empêche, le relisant tel que l’avait lu celui qui rapporte constamment mes dire ailleurs en les déformant, j’ai vite saisi la faille de ma propre expression après coup, et au fond, j’aurais dû m’armer de beaucoup plus de vigilance, en un paragraphe débutant comme ceci :


C’est dommage. A cause d’erreurs, voire de fautes politiques de la part de Sartre lui-même, et de son injuste traitement d’Albert Camus, on snobe aujourd’hui… (…)

   Mais bon, contre la mauvaise foi quasi automatique, il est très difficile de se prémunir par avance.


   Je laisse souvent pisser le mouton, mais cette fois-ci, j’ai tenu à rectifier le tir. Juste parce que le thème principal d’une note retirée par ma seule volonté me tient terriblement à cœur, à l’âme même.



jeudi 2 février 2017

Frères Migrants

DÉCLARATION DES POÈTES


« L’écrivain Patrick Chamoiseau lance un appel de solidarité avec les migrants. « Ne pas accueillir, même pour de bonnes raisons, celui qui vient qui passe qui souffre et qui appelle est un acte criminel », affirme-t-il dans une « déclaration des poètes » qui conclut Frères migrants, à paraître au Seuil. Mediapart la publie en avant-première avec son accord.
1 - Les poètes déclarent : Ni orpheline, ni sans effets, aucune douleur n’a de frontières !
2 - Les poètes déclarent que dans l’indéfini de l’univers se tient l’énigme de notre monde, que dans cette énigme se tient le mystère du vivant, que dans ce mystère palpite la poésie des hommes : pas un ne saurait se voir dépossédé de l’autre !
3 - Les poètes déclarent que l’accomplissement mutuel de l’univers, de la planète, du vivant et des hommes ne peut s’envisager que dans une horizontale plénitude du vivant — cette manière d’être au monde par laquelle l’humanité cesse d’être une menace pour elle-même. Et pour ce qui existe…
4 - Les poètes déclarent que par le règne de la puissance actuelle, sous le fer de cette gloire, ont surgi les défis qui menacent notre existence sur cette planète ; que, dès lors, tout ce qu’il existe de sensible de vivant ou d’humain en dessous de notre ciel a le droit, le devoir, de s’en écarter et de concourir d’une manière très humaine, ou d’une autre encore bien plus humaine, à sa disparition.
 5 - Les poètes déclarent qu’aller-venir et dévirer de par les rives du monde sont un Droit poétique, c’est-à-dire : une décence qui s’élève de tous les Droits connus visant à protéger le plus précieux de nos humanités ; qu’aller-venir et dévirer sont un hommage offert à ceux vers qui l’on va, à ceux chez qui l’on passe, et que c’est une célébration de l’histoire humaine que d’honorer la terre entière de ses élans et de ses rêves. Chacun peut décider de vivre cette célébration. Chacun peut se voir un jour acculé à la vivre ou bien à la revivre. Et chacun, dans sa force d’agir, sa puissance d’exister, se doit d’en prendre le plus grand soin.
6 - Les poètes déclarent qu’en la matière des migrations individuelles ou collectives, trans-pays, trans-nations et trans-monde, aucune pénalisation ne saurait être infligée à quiconque, et pour quoi que ce soit, et qu’aucun délit de solidarité ne saurait décemment exister.
7 - Les poètes déclarent que le racisme, la xénophobie, l’indifférence à l’Autre qui vient qui passe qui souffre et qui appelle sont des indécences qui dans l’histoire des hommes n’ont ouvert la voie qu’aux exterminations, et donc que ne pas accueillir, même pour de bonnes raisons, celui qui vient qui passe qui souffre et qui appelle est un acte criminel.
8 - Les poètes déclarent qu’une politique de sécurité qui laisse mourir et qui suspend des libertés individuelles au nom de l’Ordre public contrevient au principe de Sûreté que seul peut garantir l’exercice inaliénable indivisible des Droits fondamentaux.
9 - Les poètes déclarent qu’une Constitution nationale ou supranationale qui n’anticiperait pas les procédures d’accueil de ceux qui passent qui viennent et qui appellent, contreviendrait de même manière à la Sûreté de tous.
10 - Les poètes déclarent qu’aucun réfugié, chercheur d’asile, migrant sous une nécessité, éjecté volontaire, aucun déplacé poétique, ne saurait apparaître dans un lieu de ce monde sans qu’il n’ait — non pas un visage mais tous les visages, non pas un cœur tous les cœurs, non pas une âme toutes les âmes. Qu’il incarne dès lors l’Histoire de toutes nos histoires et devient par ce fait même un symbole absolu de l’humaine dignité.
11 - Les poètes déclarent que jamais plus un homme sur cette planète n’aura à fouler une terre étrangère — toute terre lui sera native —, ni ne restera en marge d’une citoyenneté — chaque citoyenneté le touchant de ses grâces —, et que celle-ci, soucieuse de la diversité du monde, ne saurait décider des bagages et outils culturels qu’il lui plaira de choisir.
12 - Les poètes déclarent que, quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naître en dehors de l’enfance ; que l’enfance est le sel de la terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc partout chez elle, comme la respiration du vent, le salubre de l’orage, le fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne d’office.
13 - Les poètes déclarent que la Méditerranée entière est désormais le Lieu d’un hommage à ceux qui y sont morts, qu’elle soutient de l’assise de ses rives une arche célébrante, ouverte aux vents et ouverte aux plus infimes lumières, épelant pour tous les lettres du mot accueil dans toutes les langues, dans tous les chants, et que ce mot constitue uniment l’éthique du vivre-monde.
14 - Les poètes déclarent que les frontières ne signalent qu’une partition de rythmes et de saveurs, qui n’oppose pas mais qui accorde, qui ne sépare que pour relier, qui ne distingue que pour rallier, et que dès lors aucun cerbère, aucun passeur, n’y trouvera à sévir, aucun désir n’y trouvera à souffrir.
15 - Les poètes déclarent que toute Nation est Nation-Relation, souveraine mais solidaire, offerte au soin de tous et responsable de tous sur le tapis de ses frontières.
16 – Frères migrants, qui le monde vivez, qui le vivez bien avant nous, les poètes déclarent en votre nom, que le vouloir commun contre les forces brutes se nourrira des infimes impulsions. Que l’effort est en chacun dans l’ordinaire du quotidien. Que le combat de chacun est le combat de tous. Que le bonheur de tous clignote dans l’effort et la grâce de chacun, jusqu’à nous dessiner un monde où ce qui verse et se déverse par-dessus les frontières se transforme là même, de part et d’autre des murs et de toutes les barrières, en cent fois cent fois cent millions de lucioles ! — une seule pour maintenir l'espoir à la portée de tous, les autres pour garantir l’ampleur de cette beauté contre les forces contraires. 
Paris, Genève, Rio,
Porto Alegre, Cayenne,
La  Favorite,
Décembre 2016 »


mercredi 25 janvier 2017


Deux interviews de l’islamologue et écrivain Rachid Benzine, auteur de Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?
Et
Extrait d’un compte rendu du livre de Rachid Benzine
Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?
Par Seydi Diamil Niane



   

   Le livre de Rachid Benzine a donné lieu à une mise en scène théâtrale et le spectacle intitulé Lettres à Nour est joué pour le moment à Liège. Des représentations seront aussi programmées pour le public scolaire. J’espère que ce spectacle sera aussi présenté en France.

 Voir ici la première interview de Rachid Benzine sur LCI : https://www.youtube.com/watch?v=WjE649-1gmM
  
      Extrait du compte rendu :

   (…) « Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ? » C’est la question que se pose un père meurtri qui croyait être à l’abri des assassins de l’aube. Le choix de Rachid Benzine, de donner la parole au père et non pas à la mère, comme c’est souvent le cas, est original. Ce père intelligent, cet intellectuel brillant nous pousse à repenser le processus de radicalisation, que l’on associe assez souvent à une prétendue ignorance des embrigadés : « Tu as à peine vingt ans, lui dit-il. Tu es brillante dans tes études de philosophie et de sciences religieuses. » Nour n’est pas une pauvre idiote. Tout le dialogue avec son père, dont nous n’avons malheureusement pas le nom, témoigne de son niveau intellectuel. Et ce père qui a fait aimer les sciences à sa Nour n’a pas pu résister au sentiment de culpabilité : « Je me sens si coupable ! », regrette-t-il.
Dès la première lettre de Nour, datée du 13 février 2014, Rachid Benzine nous fait part d’une des explications du processus d’embrigadement : « Ici, nous allons recréer la cité radieuse, un monde humain enfin à l’image d’Allah, gloire à Lui, et du Prophète, paix et salut sur lui. » C’est le fameux mythe du califat. Mythe, parce que cette citée radieuse n’a jamais existé. Trois des quatre califes du Prophète ont été tués. Et les premiers siècles de l’islam, tant exaltés par les salafistes, ont connu une multitude de révoltes.
La vision binaire du monde est l’une des caractéristiques des mouvements djihadistes. Si vous n’êtes pas avec nous et comme nous, vous êtes contre nous. Le jugement de Nour en est la preuve : « Tu es à l’image des peuples arabes, courbant la tête, dénonçant les injustices mais préférant la poésie à l’action, tes livres au glaive qui doit faire justice, écrit-elle à son père depuis Fallujah. Tu es complice de ces systèmes qui broient des femmes, des enfants, des hommes, des cultures et notre islam. L’hégémonie des peuples du Nord est telle que tu te réfères plus volontiers aux penseurs occidentaux qu’aux philosophes musulmans. » Pourtant, le fait qu’Averroès, l’un des plus grands penseurs musulmans, soit occidental, ne doit pas échapper à une brillante intellectuelle comme Nour. Mais c’est justement là, une preuve de l’aveuglement et du cynisme des djihadistes. Et Rachid Benzine le montre très bien.
Cette vision binaire du monde, nous autres musulmans, en souffrons quotidiennement. Le père de Nour nous le rappelle : « Avant-hier, deux journaux proches des milieux islamistes ont cité mon nom en me décrivant comme un hypocrite, un kāfir, un apostat. Moi qui passe tant de temps en prière, en étude du Coran, je deviens un ennemi à abattre. »  Et ce sont nous, les universitaires, qui sommes les plus visés : « Mon crime, tu le connais : chercher la vérité sur notre religion est devenu un sacrilège. » Il y a quelques années, Mohammed Arkoun dénonçait, à juste titre, « les clôtures dogmatiques. »
Que faire des  repentis  qui souhaiteraient revenir parmi « nous » ? Les tuer, les mettre dans des camps de concentration ? Il faut certes les juger. Cependant, tant qu’il y a de l’espoir, il faut leur redonner une chance après leur jugement. Le plus ignoble parmi nous, pourrait retrouver la raison pour œuvrer en vue de la réhabilitation de l’Homme. « Il ne faut pas fixer l’Homme, disait Frantz Fanon, car son destin est d’être lâché. » C’est ce que  Rachid Benzine fait dire au père de Nour à plusieurs reprises : « Je t’en supplie, reviens ma petite Nour adorée ! Reviens avec ton mari. Vous vous installerez dans la maison, et moi j’irai habiter la maisonnette au fond du jardin. » 
Mais ne nous faisons pas d’illusions. Rachid Benzine nous montre à quel point il est difficile de convaincre un(e) djihadiste comme Nour qui, je le répète, est une intellectuelle convaincue d’œuvrer pour le bien de l’humanité ! D’ailleurs, elle n’hésite pas, dans plusieurs de ses lettres, d’essayer de recruter son père : « Papa, viens ! Ici tu trouveras ton Salut ! »
La lutte contre le djihadisme ne se gagne pas uniquement sur le terrain militaire. Il faut aussi mener une bataille idéologique qui consistera à désacraliser une bonne partie de la littérature religieuse. Il faut oser briser les tabous, déconstruire les idées reçues non pas dans le but de profaner une religion, mais pour mieux s’enraciner dans notre foi. Le djihadisme n’est pas venu de nulle part. Il y a une idéologie derrière, basée sur la certitude. Nour le fait comprendre à son père : « Le brillant universitaire nourri de raison et de spiritualité ne trouve plus les mots pour convaincre sa fille ! »
Pour lutter efficacement contre le djihadisme, il faut commencer par la lutte contre les certitudes. Rachid Benzine nous le rappelle : « Tu le sais bien, ma petite Nour : le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes. Ces certitudes qui vous mènent aujourd’hui tout droit en enfer ! » Ceci, la fille le sait très bien, disons plutôt qu’elle s’en est rendu compte. Mais je laisse au lecteur le plaisir de découvrir, par lui-même, la dernière lettre de Nour. (…) » 
Seydi Diamil Niane


mercredi 11 janvier 2017

   



Petit éloge du droit







     Le mot démocratie s’emploie à toutes les sauces mais il importe, particulièrement en période troublée, de se rappeler que ce sont ses lois qui la rendent possible et effective.

  J’éprouve une admiration bien réelle face à tous ceux qui, au cours de notre récente histoire en démocratie –  qui doit beaucoup aux penseurs des Lumières -, ont été capables de formuler des textes de loi qui s’appliquent à tous, à toutes, veillant en même temps à préserver les libertés individuelles et le bien commun. Autrement dit, qui édictent les droits en même temps que les devoirs.

 Une loi, c’est aussi périlleux à rédiger qu’une authentique définition. Du temps où j’enseignais l’histoire de la philosophie, dans le cadre d’un chapitre consacré à Socrate (et au dialogue Le Ménon, signé Platon), je proposais à mes élèves de tenter de définir une simple table. Car au fond, définir, c’est comme en justice, dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité (de la chose).
 Exercice difficile, même quand il n’est question que d’un meuble très ordinaire. Allez-vous définir la table par ses caractéristiques visibles ? Vous n’y arriverez pas. Une table a-t-elle quatre pieds, trois, deux ou au minimum un pied ? Que nenni, et d’ailleurs un designer pourrait fort bien concevoir une table sans aucun pied au sol et la fixer à partir de tiges rigides ancrées dans le plafond. Une table peut-elle mieux se définir par le matériau utilisé ? Que nenni encore. Et si vous vous obstinez à la définir par ses caractéristiques sensibles, vous n’arriverez jamais à la distinguer en particulier d’une étagère ou d’un appui de fenêtre.
 J’ai aimé ce petit exercice exigeant, renouvelé chaque année avec mes élèves. Et au bout du compte, nous sommes toujours tombés d’accord qu’une table ne peut se définir que par sa fonction. Table à manger, à dessiner, à repasser ou d’opération, chacune suppose la pleine liberté des mouvements des mains pour telle ou telle activité. Ni plus, ni moins. La preuve la plus forte, c’est le fait qu’on parle bien de table d’opération et non de lit d’opération car à ce moment-là, ce sont bien les mains du chirurgien qui sont bien plus précieuses pour la patient que son confort à lui.

 Oui, une loi, comme une définition, doit dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Autrement dit, elle doit s’extraire du contingent et du particulier et s’imposer au niveau du nécessaire et de l’universel. C’est d’ailleurs quand elle est trop dictée par une contingence particulière, qu’une loi finit par se faire abroger. Une loi cohérente par contre peut assez aisément permettre de nouveaux amendements au vu des nouvelles donnes du temps présent.

   La loi française de 1905 en matière de laïcité conserve toute sa pertinence et son efficience, quand bien même elle avait été rédigée à une époque où n’avait pas encore eu lieu une importante immigration maghrébine de culture musulmane. Elle acte définitivement la séparation des pouvoirs politique et religieux. La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes (article 1er) et la neutralité de l’Etat. La loi de 1905 suffit par exemple pour condamner l’intervention d’une déléguée communiste dans un bureau de vote de Toulouse, lors du premier tour des élections départementales du 22 mars 2015, et qui a exigé, au nom de la laïcité, que le rabbin Avraham Weill retire sa kippa avant de se rendre dans l’isoloir. Le rabbin portera plainte et le droit ne peut que lui donner raison. Le citoyen a en effet droit à sa liberté de conscience, mais dans l’exercice de leur fonction, les membres du bureau de vote se doivent, quant à eux, d’être neutres car ils représentent alors l’Etat. Autrement dit, si le rabbin Weill avait été président ou assesseur, il aurait dû remplir son devoir citoyen sans la kippa.

  Oui, la loi impose la neutralité à l’Etat et à ses représentants dans leur fonction, mais nullement à ses citoyens, ni dans la rue ni dans ses établissements publics.
  De même par exemple dans les hôpitaux. A la loi de 1905, fut ajoutée la circulaire du 2 février 2005, relative à la laïcité dans les établissements de santé publique. Je l’ai lue attentivement, et je la trouve tout à fait remarquable.

 Or, à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, une affiche placardée à l’entrée a suscité une vive polémique, il y a quelques années. Sur l’affiche en effet, et en gras, d’abord ces termes : Laïcité, neutralité de l’espace public ; et dessous, l’avertissement suivant : Vous entrez dans un hôpital public ? L’hôpital est un établissement public. Cet espace est laïc et neutre. Le respect de cette neutralité suppose que les tenues vestimentaires ne représentent aucun signe ostensible lié à une religion quelle qu’elle soit. Et l’affiche d’aller jusqu’à citer la circulaire du 2 février 2005. Oui mais sauf qu’elle commet un total contresens car la neutralité dont il est fait référence ne s’applique, selon la loi, qu’aux employés de cette institution, et nullement à ses usagers. D’ailleurs, la circulaire va jusqu’à préciser que dans la mesure du possible, et sans nuire au bon déroulement des soins, les patients se voient garantir la libre pratique de leur culte et la manifestation de leurs convictions.

        La loi, toute la loi, et rien que la loi.


    Mais puisque tout est toujours plus complexe que ce qu’on en dit en le formalisant, j’ai été interpellée par le choix d’un hôpital universitaire de Bruxelles d’obédience chrétienne. Les infirmières musulmanes de cette clinique sont autorisées à porter une sorte de mini voile blanc qui ne recouvre que leur chevelure, et qui est le même dans tous les services. A la limite, celui-ci ressemble presque au couvre-chef infirmier d’autrefois et en tout cas au bonnet actuel (mais vert) du personnel en chirurgie, et du coup, il passe quasi inaperçu. Il se fait que pour raison personnelle, j’ai fréquenté cet hôpital quotidiennement, pendant plus d’un mois et j’ai pu constater que cela ne gênait personne. Pour ma part, j’ai trouvé que cette réglementation était judicieuse, n’offusquant ni ne lésant personne. Un compromis « à la belge » comme on dit chez nous dans de très nombreuses situations ? Oui, sans doute. Mais ce qui importe c’est que des jeunes femmes de culture et de conviction musulmane ne soient pas exclues du marché du travail. Car une femme musulmane qui travaille et gagne son propre salaire risque fort peu de succomber aux sirènes islamistes possiblement terroristes, à cause de leurs injonctions sexistes d’abord.

    Tiens, au fait, après la table, si on se mettait à définir ce qu’est le vivant humain ?


mardi 3 janvier 2017



Le poutinisme en France

Et la ferme à trolls à Saint-Pétersbourg






Une interview du journaliste d’investigation

Nicolas Hénin


(juin 2016)



A écouter ou réécouter d’urgence ! On y apprend entre autres une des raisons du soutien de Fillon pour la Russie orthodoxe de Poutine et que le FN du père et de la fille Le Pen bénéficie d’appuis financiers importants de sa part.



Et dans son essai, La France russe, Hénin évoque la ferme à trolls installée à Saint-Pétersbourg qui engage des centaines de blogueurs pour faire la propagande de la politique de Poutine.

Un bref extrait :


« Lorsqu’ils arrivent au travail, ces employés s’installent à des postes informatiques configurés de façon à dissimuler leur localisation. (…) Un certain nombre de ces trolls cherchent à se faire passer comme pro-occidentaux. Leur rôle est de tenir un discours qui sera ridiculisé par les autres. Un ancien employé rapporte ainsi qu’ils s’organisent en trinôme sur un sujet : l’un d’eux ouvre un débat dans les commentaires d’un média ou sur les réseaux sociaux à propos d’un sujet d’actualité. Il affiche des positions anti-Poutine caricaturales. Le travail des deux autres est ensuite de le démonter et de faire prévaloir les arguments de la narration officielle. L’ambiance de travail est effrayante. (…)

 D’après le New York Times qui cite plusieurs médias russes, la ferme à trolls de Saint-Pétersbourg est financée par Evguéni Prigogine, un oligarque proche de Poutine, propriétaire de la société de restauration collective Concord et surnommé le « chef de Poutine », Prigogine a un CV chargé. La presse russe rappelle qu’il a été condamné pour vol en 1979, puis de nouveau pour d’autres délits en 1981, avant d’être gracié, et finalement relâché en 1990. »