vendredi 22 janvier 2016

Résister d’une double façon


À la terreur islamiste chez nous






   Hier matin, l’invité de l’émission radio de Matin première sur la RTBF, était Gilles Kepel, universitaire et spécialiste français de l’islam et du monde arabe.
Très intéressante interview. A propos des derniers attentats de Paris de novembre 2015, Gilles Kepel établissait une importante différence entre les attentats meurtriers de janvier (à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher de Vincennes) et ceux, beaucoup plus importants en nombre de victimes, perpétrés au Bataclan, aux terrasses de café dans le cœur de Paris, et sans doute empêchés au Stade de France. Si dans le premier cas, une petite part de la population a pu affirmer « Je ne suis pas Charlie », voire pire et oser se dire « Je suis Kouachi », tel n’est plus du tout le cas, d’après Gilles Kepel, face aux derniers crimes perpétrés par de jeunes délinquants reconvertis en islamistes fanatisés à la va-vite. Car, affirme le spécialiste, contrairement au 7 janvier, on peine, après le 13 novembre, à trouver des gens qui expriment publiquement le moindre soutien à Abaaoud et à ses comparses. Le fait que ces attaques aient ciblé de manière indiscriminée la jeunesse, composée aussi de jeunes musulmans, a suscité un rejet massif. »
Car que veut l’organisation criminelle et mafieuse Daesh ? La guerre civile en nos pays, répond fermement Kepel. Que suite aux attentats, et dans l’espoir de réactions vengeresses violentes (des pogroms) de la part des Français (ou autre peuple européen visé), la communauté musulmane française (et musulmane européenne) se rallie à sa cause à elle.  « L'économie politique du terrorisme jihadiste est à la fois fragile et double : d'une part, il faut sidérer l'adversaire, l'obliger à se raidir, et d'autre part, il faut galvaniser les sympathisants pour avoir des soutiens. »
Avec les derniers attentats qui ont particulièrement touché indifféremment et aveuglement toute la jeunesse, elle a fait en quelque sorte long feu.

  Il faut donc chez nous résister d’une double façon. Evidemment, d’abord, donner toutes latitudes (sous la surveillance parlementaire) aux Services de Sécurité nationaux et européens pour traquer l’ennemi intérieur ; ça me semble le plus élémentaire et à la fois le plus effectif. Mais ensuite, si on entend bien Gilles Kepel, dans le monde de la doxa, il faut aussi combattre la tendance à mettre tous les musulmans dans le même sac. Il faut donc résister aux discours (de plus en plus décontractés hélas) qui s’obnubilent de détails communautaires, comme le port du voile (pourvu qu’il ne soit pas islamiste – il y en a), d’heures de baignade ou de repas hallal dans les cantines. Des aménagements raisonnables (et seulement raisonnables, j’insiste) sont tout à fait possibles sans menacer notre sacro-sainte ( !) laïcité.

  Sans quoi, la doxa anti-musulmane et monomaniaque fera encore un peu plus le lit de l’islamisme.

   Il suffit d’entrer dans le raisonnement de Gilles Kepel pour comprendre que l’E.I. n’attend que cela de notre part, nous, européens, nous ce ventre mou d’après lui.

  Car, comme le recommandait avec tant de pertinence, le sage Gandhi, tu te dois de connaître les points faibles de ton adversaire. Or le point faible du terrorisme islamiste, c’est de ne pas arriver à traduire en termes politiques la terreur qu’il sème. Et si nous résistons à la systématisation de tous musulmans chez nous, il est affaibli sur ce plan-là. Et c’est essentiel.

mardi 19 janvier 2016

Que survive la sociologie !



Un essai bienvenu
À l’heure de l’anti-intellectualisme ambiant !

Pour la sociologie
Et pour en finir avec une prétendue
culture de l’excuse




Il est signé Bernard Lahire et publié aux excellentes éditions de La découverte.
Un bouquin qui tombe à point nommé, après la dernière déclaration d’Emmanuel Valls qui prétend que tenter de comprendre (le djihadisme), c’est déjà (l’) excuser !

Il y a une novlangue de droite, elle est même plutôt la plus partagée au niveau de la doxa ambiante. Ainsi, parmi d’autres simplifications anti-intellectuelles, on surnomme n’importe quel citoyen qui défend les droits de tous hommes, et des plus différents en particulier, de droit-de-l’hommiste ; et altermondialisme y est carrément devenu synonyme du pire de l’extrême-gauche.

Dans cette novlangue, on ne nomme plus la discipline universitaire sociologie par son nom. Non, il suffit seulement désormais de l’ismer ! Bref, dans cette novlangue, on l’appelle désormais sociologisme. Pour ne surtout pas s’interroger là où on ne le veut surtout  pas…

Que l’homme soit un animal social, qu’il puisse être en grande partie déterminé par sa culture, sa classe sociale, son clan, sa bande, par des phénomènes médiatiques, voilà donc ce qui ne pourrait plus se dire. Et aux oubliettes ou à la géhenne, les études d’un Pierre Bourdieu sur la violence symbolique.

Ce qui me semble extrêmement alarmant, en France tout particulièrement, c’est comment depuis la Présidence de Sarkozy en particulier, le discours dominant affiche de plus en plus clairement sa haine de la pensée. Quand j’écris pensée, je veux évidemment dire pensée complexe qui tente de tenir compte au mieux d’un réel compliqué. Et que l’on ne s’étonne donc pas trop demain, si l’extrême-droite l’emporte encore un peu plus ; le modèle valant toujours mieux que ses pâles copies.

Car en effet, tenter de penser est fatiguant, usant même. C’est tellement plus simple de succomber à quelques prêt-à-penser ! Les dictateurs en herbe savent ça d’instinct. Et la Marine a dû téter ça dès le berceau.

Bref, tellement bienvenu l’essai de Bernard Lahire !

Voici des extraits de sa recension signée Gaël Brustier.


« Les différents pouvoirs politiques, soucieux d’apparaître comme pleinement maîtres de la société, accusent fréquemment les sciences sociales de trouver des «excuses» aux délinquants ou criminels. Accusation récurrente et désormais classique. Il y a en effet une forme de constante dans cette dénonciation par les responsables politiques, qu’ils agissent ici en France ou bien aux Etats-Unis, où la croyance en l’absolu de la responsabilité individuelle ne saurait tolérer l’idée centrale des sciences sociales selon laquelle l’individu n’est pas isolé et ne constitue pas, au milieu du monde, «un petit centre autonome».
D’aucuns objectent à la méthode sociologique une vérité liée à l’idéologie, mais omettent de penser celle-ci comme une représentation du monde trouvant des moyens de diffusion et de développement différents selon les terrains. Selon les accusateurs des «sciences sociales», chaque terroriste aurait fait des choix qui lui sont propres et rien d’autre que ces choix ne saurait expliquer son cheminement. Ils laissent en suspens de nombreuses questions, pourtant fort utiles pour la lutte contre le terrorisme. Pourquoi ces terroristes font-ils ces choix? A quel moment? A quelles conditions? Quelle différence y-a-t-il entre le djihadiste qui vit au Nord-Mali et celui qui vit à Drancy? N’est-il pas important de saisir les différences et de les objectiver? Cette connaissance utile en soi (c’est le propre de la science) ne serait-elle pas de surcroît utile, sur un autre plan, pour juger ces actes?
Lorsque Norbert Elias s’intéressa, dans ses Studien über die Deutschen, à la montée du nazisme, aux conditions propres de son émergence et de son essor, à la rupture qu’il marqua dans le «processus de civilisation», il suscita des controverses (avec Zygmunt Bauman notamment) mais il ne vint à personne l’idée d’accuser Elias de trouver des «excuses sociologiques» aux nazis… Or, nous vivons une période de contestation au fond de l’utilité des sciences sociales…
La compréhension d’un fait social n’est pas l’excuse d’un délit ou d’un crime. Comprendre un crime, rappelle Bernard Lahire, n’est pas «l’excuser» mais en saisir les dynamiques liées au «contexte», aux «causes», aux «conditions de possibilités». Le scientifique n’étant pas un moraliste, cette recherche des faits sociaux n’implique pas de position normative. Il cherche à comprendre comment les choix individuels sont faits dans un univers de«contraintes multiples», dans des «contextes sociaux» différents.
La «culture de l’excuse» ressemble en cela à la «théorie du genre»: elle n’existe pas, sauf dans la tête de ses détracteurs, au discours desquels elle contribue à donner cohérence. Dans les deux cas, la confusion entre le domaine de la connaissance scientifique et le domaine normatif est totale. A chaque fois, cette dénonciation s’accompagne d’une absence de prise de distance par rapport au monde des émotions (Bernard Lahire invoque Norbert Elias, lequel mettait l’accent sur la nécessité de la prise de distance par rapport aux phénomènes sociaux et de «sortir du rapport émotionnel à la vérité»). Cette dénonciation de la «culture de l’excuse» a aussi une conséquence directe : la négation des rapports de domination. Lorsque cette vision du monde mettant l’accent sur les choix individuels se déploie, elle porte logiquement à la légitimation des vainqueurs de toutes sortes.
Ce plaidoyer pour les sciences sociales, dont Bernard Lahire considère qu’elles devraient être enseignées dès le plus jeune âge, revêt une importance majeure. Elles contribueraient à arracher le débat public à l’empire de l’émotion, à prolonger la construction du débat public et d’une citoyenneté éclairée par la raison. » (C’est moi qui souligne.)




lundi 11 janvier 2016

Je voudrais qu'on te slamme



Slam





Je voudrais qu’on te slamme
Islam,
Par ici,
Par Ivry.

Je voudrais qu’on réclame
Islam,
Pour la vie
Ton répit.


Je voudrais qu’on te chante bien autrement qu’en drames
Qu’on te sorte du corset de tous tes belliqueux
De tes anciennes coutumes d’un temps moyenâgeux
Non pas pour te tuer mais pour sauver ton âme.

Je voudrais qu’on te slamme
Islam,
Par ici,
Par Ivry.

Je voudrais qu’on réclame
Islam,
Pour la vie
Ton répit.


Je voudrais pour les tiens qui sont nés en Europe
Qu’ils puissent être des nôtres et non des étrangers
Qu’ils aiment te respecter avec commodités
Hors regard fanatique et son œil de cyclope.

Je voudrais qu’on te slamme
Islam,
Par ici,
Par Ivry.

Je voudrais qu’on réclame
Islam,
Pour la vie
Ton répit.


Je voudrais que mes sœurs et mes frères musulmans
N’aient plus horreur ni honte de versets sataniques,
Si pareils à tant d’autres en religions bibliques,
Et qu’ils puissent t’honorer même sans le ramadan.

Je voudrais qu’on te slamme
Islam,
Par ici,
Par Ivry.

Je voudrais qu’on réclame
Islam,
Pour la vie
Ton répit.


Je voudrais pour toi-même qu’on te foute la paix
Qu’on cesse un peu partout de parler en ton nom,
Et qu’on arrête surtout celui qui donc te hait
Qui sème la terreur et la désolation.


Je voudrais qu’on te slamme
Islam,
Par ici,
Par Ivry.

Je voudrais qu’on réclame
Islam,
Pour la vie
Ton répit.


Je voudrais pour tout l’monde que tes meilleurs savants
Puissent donner sans trahir ta meilleure exégèse
Et que tu puisses ainsi, et pour le temps présent,
Nous redonner le goût de lire Averroès.

Je voudrais qu’on te slamme
Islam,
Par ici,
Par Ivry.

Je voudrais qu’on réclame
Islam,
Pour la vie
Ton répit.


Je voudrais qu’on se calme,
Se calme
Par ici,
Par Ivry.