Note personnelle
En cette fin d’année 2016
Je
me suis offert l’ultime CD de Leonard Cohen et je l’écoute en rédigeant cette
note. Je ne crois plus en un Dieu depuis bien longtemps mais suis de ceux et
celles qui pensent que l’homme a besoin de spiritualité, plus que jamais en ces
temps sombres, plombés, "dark"…Et la poésie, et le chant de Cohen
en constituent bien une et m’accompagnent dans mes moments de solitude vitale.
Ou écouter par exemple, comme ce matin en
voiture au lever tardif d’un tout gros soleil d’hiver sur la crête de collines
blanchies de givre, le propos d’un Costas Gravas à la radio, interviewé par une
journaliste intelligente et sensible ; paroles claires qui remettent
devant l’essentiel : la recherche de
la justice (de l’équité) doit être au centre de la vie en société ;
nous n’avons pas d’abord besoin de tribuns mais seulement d’hommes politiques propres. Et Costa
Gravas, homme très marqué à gauche pourtant, de donner l’exemple d’un de Gaulle,
un homme qui s’est mis exclusivement au service du bien commun.
Nietzsche l’avait parfaitement prévu pour
notre Occident : La fin des dieux nous plongerait pour longtemps dans le
nihilisme. Nihilisme réactif et de ressentiment, ou métaphysique de substitution,
idolâtre du Grand Capital ou d’une idéologie totalisante.
Nous avons jeté le bébé avec l’eau bénite ;
nous avons perdu le lien social avec la désertion de nos parvis d’églises, de temples
ou de synagogues. Bref, nous avons perdu le besoin vital de spiritualité avec l’abandon
lettré du religieux.
Il nous faudrait retrouver d’urgence la soif
de spiritualité sans quoi c’est toute la beauté et l’intelligence de notre
culture qui finiraient par s’effacer en nous rayant de la carte des
signifiances mondaines qui montent.
Je suis comme beaucoup d’entre nous à l’automne
de ma vie. C’est donc vers la jeunesse que se tourne mon espérance pour les
demain de notre culture. Ici et là, parfois timidement, parfois avec
détermination, elle marque sa volonté de rompre avec le consumérisme capitaliste
et retisse du lien social. C’est en cette jeunesse-là, intelligente, volontaire
et généreuse, que je veux croire et que j’entends soutenir. Car une société qui
ne chérit plus dans les faits sa jeunesse, est vouée à terme à la décadence, et
in fine à son extinction, n’est-ce pas ?
J’ai pris mes distances de la seule blogosphère
que je connaisse bien, supposant qu’il en va sans doute de même sur n’importe
quelle autre plate-forme ou réseau social. Pas seulement parce que la mienne a
été délaissée par les dirigeants de l’Obs, pas uniquement (mais c’est grave) parce
qu’il y en a un au moins qui passe son temps à démolir la e-réputation d’autres
ou tel autre obsédé par untel ou
unetelle à tel point qu’il ne parvienne tout simplement plus à lire ce que
ceux-là écrivent effectivement, mais parce qu’elle finissait par avoir raison
de ma substance même. De toute mon attention, propulsant mes propres
médiocrités à mon avant-scène.
Un auteur dont je n’ai pas retenu le nom a
publié un petit livre qui raconte comment il s’est senti descendre, tomber très
bas et entrer en véritable dépression à cause d’un réseau social. Cela, entendu
en passant à la radio, m’aura déjà alertée, il y a presque une année. Et puis,
j’ai pu entendre pour du vrai quelqu’une qui me partageait que si elle ne pouvait
pas changer directement le monde ni les opinions égoïstes, elle pouvait agir
effectivement à un niveau très local dans un centre d’alphabétisation pour
réfugiés. Quand je l’ai écoutée, je me suis rendue compte que mon amie
paraissait beaucoup plus épanouie que je ne l’étais moi-même à ce moment-là.
Et ces deux infimes événements, se
sédimentant dans ma mémoire, m’ont permis de modifier quelque chose d’essentiel
dans ma vie de retraitée. Aujourd’hui, je m’investis à fond dans un cours d’anglais
que je suis avec 14 autres qui finissent par devenir de vrais amis dans la vie
réelle, et depuis peu, je consacre mon vendredi après-midi à accompagner dans
les longs couloirs d’un hôpital, des malades souvent atteints d’un grave AVC,
de leur chambre à la salle de kiné, de la kiné en ergothérapie, d’ergo en neuropsychiatrie.
Je parcours des kilomètres, j’ai les pieds endoloris, je me farcis les
embouteillages du vendredi soir sur l’autoroute au retour, mais j’ai l’âme qui a retrouvé
la joie…
…Enfin ! Il était temps ! Je l’avais
perdue, la joie-qui-demeure, depuis le dernier cours que j’avais donné il y a 6
ans déjà.
Je souhaite à celui et à celle qui m’auront lue dans la bienveillance, le meilleur, surtout ce meilleur de générosité qui sourd en
lui, en elle, pour l’An Neuf.
Jette ton galet dans le torrent,
Un autre et un autre encore
Jetteront
le leur
Et nous finirons par construire un gué.
P.S. Et pour réfléchir tout de même en cette fin d'année, je vous invite à voir et écouter comment Mathilde Larrère démonte le néo-colonialisme de Fillon et de la droite dans l'émission Arrêt sur image :
http://www.arretsurimages.net/chroniques/2016-12-03/Fillon-face-a-Elie-Domota-retour-sur-un-clash-id9361