mardi 20 décembre 2016



Note personnelle


En cette fin d’année 2016






      Je me suis offert l’ultime CD de Leonard Cohen et je l’écoute en rédigeant cette note. Je ne crois plus en un Dieu depuis bien longtemps mais suis de ceux et celles qui pensent que l’homme a besoin de spiritualité, plus que jamais en ces temps sombres, plombés, "dark"…Et la poésie, et le chant de Cohen en constituent bien une et m’accompagnent dans mes moments de solitude vitale.

   Ou écouter par exemple, comme ce matin en voiture au lever tardif d’un tout gros soleil d’hiver sur la crête de collines blanchies de givre, le propos d’un Costas Gravas à la radio, interviewé par une journaliste intelligente et sensible ; paroles claires qui remettent devant l’essentiel : la recherche de la justice (de l’équité) doit être au centre de la vie en société ; nous n’avons pas d’abord besoin de tribuns mais seulement d’hommes politiques propres. Et Costa Gravas, homme très marqué à gauche pourtant, de donner l’exemple d’un de Gaulle, un homme qui s’est mis exclusivement au service du bien commun.

  Nietzsche l’avait parfaitement prévu pour notre Occident : La fin des dieux nous plongerait pour longtemps dans le nihilisme. Nihilisme réactif et de ressentiment, ou métaphysique de substitution, idolâtre du Grand Capital ou d’une idéologie totalisante.

 Nous avons jeté le bébé avec l’eau bénite ; nous avons perdu le lien social avec la désertion de nos parvis d’églises, de temples ou de synagogues. Bref, nous avons perdu le besoin vital de spiritualité avec l’abandon lettré du religieux.
  Il nous faudrait retrouver d’urgence la soif de spiritualité sans quoi c’est toute la beauté et l’intelligence de notre culture qui finiraient par s’effacer en nous rayant de la carte des signifiances mondaines qui montent.

   Je suis comme beaucoup d’entre nous à l’automne de ma vie. C’est donc vers la jeunesse que se tourne mon espérance pour les demain de notre culture. Ici et là, parfois timidement, parfois avec détermination, elle marque sa volonté de rompre avec le consumérisme capitaliste et retisse du lien social. C’est en cette jeunesse-là, intelligente, volontaire et généreuse, que je veux croire et que j’entends soutenir. Car une société qui ne chérit plus dans les faits sa jeunesse, est vouée à terme à la décadence, et in fine à son extinction, n’est-ce pas ?


     J’ai pris mes distances de la seule blogosphère que je connaisse bien, supposant qu’il en va sans doute de même sur n’importe quelle autre plate-forme ou réseau social. Pas seulement parce que la mienne a été délaissée par les dirigeants de l’Obs, pas uniquement (mais c’est grave) parce qu’il y en a un au moins qui passe son temps à démolir la e-réputation d’autres ou tel autre obsédé  par untel ou unetelle à tel point qu’il ne parvienne tout simplement plus à lire ce que ceux-là écrivent effectivement, mais parce qu’elle finissait par avoir raison de ma substance même. De toute mon attention, propulsant mes propres médiocrités à mon avant-scène.

  Un auteur dont je n’ai pas retenu le nom a publié un petit livre qui raconte comment il s’est senti descendre, tomber très bas et entrer en véritable dépression à cause d’un réseau social. Cela, entendu en passant à la radio, m’aura déjà alertée, il y a presque une année. Et puis, j’ai pu entendre pour du vrai quelqu’une qui me partageait que si elle ne pouvait pas changer directement le monde ni les opinions égoïstes, elle pouvait agir effectivement à un niveau très local dans un centre d’alphabétisation pour réfugiés. Quand je l’ai écoutée, je me suis rendue compte que mon amie paraissait beaucoup plus épanouie que je ne l’étais moi-même à ce moment-là.

   Et ces deux infimes événements, se sédimentant dans ma mémoire, m’ont permis de modifier quelque chose d’essentiel dans ma vie de retraitée. Aujourd’hui, je m’investis à fond dans un cours d’anglais que je suis avec 14 autres qui finissent par devenir de vrais amis dans la vie réelle, et depuis peu, je consacre mon vendredi après-midi à accompagner dans les longs couloirs d’un hôpital, des malades souvent atteints d’un grave AVC, de leur chambre à la salle de kiné, de la kiné en ergothérapie, d’ergo en neuropsychiatrie. Je parcours des kilomètres, j’ai les pieds endoloris, je me farcis les embouteillages du vendredi soir sur l’autoroute au retour, mais j’ai l’âme qui a retrouvé la joie…

    …Enfin ! Il était temps ! Je l’avais perdue, la joie-qui-demeure, depuis le dernier cours que j’avais donné il y a 6 ans déjà.


     Je souhaite à celui et à celle qui m’auront lue dans la bienveillance, le meilleur,  surtout ce meilleur de générosité qui sourd en lui, en elle, pour l’An Neuf.


Jette ton galet dans le torrent,
Un autre et un autre encore
 Jetteront le leur
Et nous finirons par construire un gué.



P.S. Et pour réfléchir tout de même en cette fin d'année, je vous invite à voir et écouter comment Mathilde Larrère démonte le néo-colonialisme de Fillon et de la droite dans l'émission Arrêt sur image :
http://www.arretsurimages.net/chroniques/2016-12-03/Fillon-face-a-Elie-Domota-retour-sur-un-clash-id9361



7 commentaires:

  1. Bonsoir Plumeplume. La question de la spiritualité sans religion se pose en effet dans notre civilisation occidentale (ou plus largement celle de la 'mondialisation'), mais est-ce possible sans idéologie de substitution? L'humanisme, le bien supérieur (etc.) sont des systèmes de valeur qui relèvent d'une élévation de conscience, mais peut on le nommer "spiritualité"?

    On peut symétriquement se poser la question d'une acception de la religion sans véritable spiritualité (élévation de la pensée vers des principes supérieurs), elle peut, pour certains, se limiter à un système de prescriptions et de formules toutes faites coupées de leur symbolisme, intriqué dans un substrat culturel/coutumier.

    Concernant la jeunesse, il convient de ne pas idéaliser pour éviter les désillusions. Elle est majoritairement en phase avec la société consumériste et technique, plus encore que les précédentes générations, compte tenu du déclin dans la société des courants spiritualistes et des utopies de progrès social. Ce que l'on nomme l'économie sociale et solidaire relève souvent davantage du pragmatisme que des idéaux (le covoiturage tarifé qui éradique l'auto-stop). En ce qui concerne le souci de la planète, les principes de parcimonie -hérités peut être des privations des deux guerres?- s'estompent du fait de la pression de l'american way of life mondialisé. La structure par âge du vote FN n'est pas non plus très encourageantes. Des mouvements utopistes comme "nuit debout" rassemblent fort peu de monde, d'autres courants minoritaires optent pour l'action violente pas toujours sur un clair idéal. Je mets mon Joker sur la question culturelle, je ne sais entrevoir ce qui émerge (sans parler des tests comparatifs sur le système éducatif).

    Concernant le programme de la droite, pour la première fois depuis plusieurs décennie celle-ci se revendique pour ce qu'elle est, le terme "droite" refoulé entre les années cinquante et quatre vingt dix, est désormais une bannière assumée. Le libéralisme économique aussi, si bien qu'Alain Madelin qui fut un des seuls à s'en revendiquer, trouve même qu'ils en font trop!

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  2. désolé pour les fautes d'accord, notamment "la structure ... encourageante" [sans s], "...depuis plusieurs décennies" [avec un s]

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    1. Pas grave, Nolats ! Merci d'être passé.
      Tu sais, à propos des jeunes auxquels je songe, je sais bien qu'ils ne sont pas "toute la jeunesse", loin s'en faut. Je n'ai jamais cru, même jeune, que la défense de n'importe quelle cause juste pouvait être le fait d'une majorité. M'importe seulement qu'il y ait toujours, à chaque génération, une minorité de veille, de vigilance et d'actions créatives. Et c'est à cette jeunesse-là que je songeais.

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    2. Bonsoir Plumeplume. Effectivement, il y a heureusement au sein de la jeunesse actuelle des courants généreux et engagés. Ce que j'exprimais concerne plutôt le "courant dominant".

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  3. La beauté est l'autre nom de Dieu... Je ne sais plus qui a dit cela.

    Voilà un texte qui fait du bien. Je suis très contente pour toi, Plume. Il est vrai que participer à des activités, rencontrer des gens et surtout aider les autres c'est « s'oublier » (un peu...) soi-même. Et c'est tellement enrichissant. Même si cela paraît n'être qu'une goutte d'eau dans l'océan. Comme dit Mère Thérèsa si cette goutte n'existait pas elle manquerait.

    J'ai découvert il y a peu l'historienne Mathilde Larrère. Dans cette vidéo, elle explique très bien ce qu'est la traite atlantique par rapport aux autres formes d'esclavage. J'y apprends qu'à l'occasion de l'abolition de l'esclavage en 1848 par la Seconde République, les propriétaires terriens avaient été indemnisés, les esclaves quant à eux n'avaient rien eu, ni aide financières ni octroi de terre (faut-il s'en étonner ?) Cela me fait penser à Tran To Nga entendue récemment à la radio, auteur de « ma terre empoisonnée » paru en mars 2016 (contamination des personnes et des terres par « l'agent orange » lors de la guerre du Vietnam ») qui porte plainte contre des compagnies chimiques états-uniènes. Il faut savoir qu'en 2004, les vétérans américains victimes du poison qu'ils avaient eux-même répandu avaient été indemnisés. Les victimes vietnamiennes déboutées...

    Bise et bonne continuation.

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    1. Merci Annick, ta visite et tes mots me font le plus grand bien. Oui, j'aime bien ça : "La beauté est l'autre nom de Dieu". Platon déjà établissait un lien intime entre la beauté et la vérité.

      Elle est remarquable dans son analyse pointue, Mathilde Larrière, n'est-ce pas?

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  4. Je précise deux petites choses puisque, ailleurs, un mec se sert de mon propos pour le discréditer :

    1) Je n'ai pas évoqué le nouvel attentat terroriste perpétré à Berlin dans ma note. Attentat déjà revendiqué par l'état islamo-fasciste Daesh, mais sans que les forces de l'ordre n'aient pu arrêter encore son meurtrier. Je suis comme quasi tout le monde gravement choquée par ce nouveau carnage.

    2) A propos de ceci : "Nihilisme réactif et de ressentiment, ou métaphysique de substitution, idolâtre du Grand Capital ou d’une idéologie totalisante", je précise que par "idéologie totalisante", j'avais bien sûr en tête le marxisme-léninisme tel qu'il a cadenassé la Russie et ses pays satellites pendant un demi-siècle. Premier exemple historique d'une soi-disant démocratie populaire et radicalement laïque.

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