samedi 20 février 2016

Lecture d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution

(fin)
  



   Je voudrais insister, dans la fin de ma lecture de l’article de l’anthropologue Scoot Atran, sur deux sous-chapitres intitulés Le manuel de l’Etat islamique et L’extinction de la zone grise.
Dans le premier, Atran s’attarde sur le manifeste signé par le pseudonymique Abou Bakr Naji dans la gestion de la terreur et du chaos. Et si on songe aux derniers massacres récents perpétrés par Daesh à Paris, Ankara, Beyrouth ou Bamako, on ne peut que les reconnaître en application brutale et littérale :

1- Frapper des cibles faciles : "Diversifier et élargir les frappes perturbatrices contre l’ennemi croisé-sioniste en tous lieux du monde musulman, et même en dehors si possible, afin de disperser les efforts de l’alliance ennemie et ainsi l’épuiser au maximum".
2- Frapper quand les victimes potentielles ont baissé la garde afin de maximiser la peur dans les populations et affaiblir leurs économies : "Si une station touristique où se rendent les croisés… est frappée, toutes les stations touristiques dans tous les États du monde devront être protégées par l’envoi de renforts armés, deux fois plus importants qu’en temps normal, et par une énorme hausse des dépenses."
3- Canaliser la propension à se rebeller de la jeunesse, leur énergie et leur idéalisme et leur aspiration au sacrifice, pendant que les imbéciles les incitent à la modération et les détournent du risque : "Inciter des groupes issus des masses à partir vers les régions dont nous avons le contrôle, en particulier les jeunes… [car] les jeunes d’une nation sont plus proches de la nature innée [de l’homme] du fait de la rébellion qui est en eux et que les groupes musulmans inertes [ne cherchent qu’à réprimer].
4- Entraîner l’Occident aussi profondément et activement que possible dans le bourbier de la guerre : "Dévoilez la faiblesse du pouvoir centralisé de l’Amérique en poussant ce pays à renoncer à la guerre psychologique médiatique et à la guerre par personne interposée, jusqu’à ce qu’ils se battent directement." Idem pour les alliés de l’Amérique.


   Et, ce que Scott Atran souligne dans le second, La zone grise, me semble tellement fondamental pour comprendre la dangerosité de l’Etat islamique, que je ne ferai que le reproduire :


"L’extinction de la zone grise" est un article de 12 pages publié au début de l’année 2015 par le magazine en ligne de Daech, "Dabiq". Il décrit la zone qu’occupent par la plupart des musulmans, entre lumière et obscurité, entre le bien et le mal, autrement dit, entre le califat et le monde des infidèles, une zone que "les saintes opérations du 11 septembre" ont mis en évidence.
L’article cite Oussama Ben Laden, dont l’EI est le véritable héritier. "Le monde est aujourd'hui divisé en deux. Bush avait raison de dire : 'soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes', même si les vrais terroristes sont les croisés occidentaux. L’heure est maintenant arrivée de produire un nouvel événement propre à diviser le monde et à détruire la zone grise". 
Cet événement a pris la forme des attentats du 13 novembre à Paris visant à créer le chaos en Europe, de même que les attaques en Turquie et au Liban avaient pour but d’introduire plus de sauvagerie et de chaos au Moyen-Orient.
L’accueil généreux de réfugiés syriens représenterait une réponse efficace à cette stratégie ; à l’inverse, le rejet général des réfugiés est une réponse perdante. Nous aurions intérêt à célébrer la diversité et la tolérance dans la "zone grise" ; mais la tendance générale en Europe, parmi l’élite politique comme dans la population, est de s’entendre pour la détruire.
En Europe, la montée de l’islam radical a coïncidé avec une poussée des mouvements xénophobes et nationalistes. Les deux phénomènes participent partiellement du faible taux de natalité en Europe (1,6 enfant par couple), ce qui crée un besoin d’immigration afin de maintenir une force de travail et un bon niveau de vie pour la classe moyenne, pilier de toute démocratie libérale. A une époque où l’immigration n’a jamais été aussi mal tolérée, on n’a jamais eu tant besoin d’immigrés. 
Dans les régions que l’EI contrôle, ou celles qui leur sont adjacentes, les populations ne soutiennent ni l’EI, ni l’occident (et maintenant la Russie). Ce ne sont pas des fanatiques ou des guerriers, et elles ne tiennent pas mourir en martyres. l’EI sait cela, et pousse ses ennemis à attaquer la population des centres urbains qu'elle contrôle. Il y a de toute façon très peu d’infrastructures à cibler : le régime est semi-nomade, sans frontière fixe, et l’EI déplace sans cesse son matériel militaire très mobile et ses troupes.
Ce sont donc surtout les populations locales qui souffrent. Beaucoup de gens, s’ils avaient pu en avoir l’occasion, auraient fui à la fois l’EI et les bombes de ses ennemis, mais ils sont coincés et ils dépendent, pour leur protection, de la bannière noire. Au moindre signe indiquant qu’ils puissent être dans la "zone grise", ils sont punis de mort. Mais l'histoire montre que les bombardements aériens durcissent l’opinion des populations contre les pays qui bombardent, quel que soit le régime général dans lequel ils vivent.
En Syrie et dans une grande partie de l’Irak, il n’y a presque plus de "zone grise", surtout pour une jeunesse arrachée à ses foyers soit pour être enrôlée de force dans tel ou tel groupe de combattants, soit pour se transformer en réfugié et s’exiler vers les limbes.


   Nous nous faisons donc en Occident des illusions sur la mort prochaine de l’El. Rien qu’au plan financier, même dans le cas coûteux des  attentats du 11 septembre 2001, la terreur est en quelque sorte très bon marché par rapport au coût de la réponse sécuritaire et militaire que l’Occident lui apporte. De plus, la terreur ne mobilise que quelques hommes ; son combat, des milliers.
 Pour Atran donc, il faudrait que l’Occident s’interroge de façon critique sur ses stratégies de riposte. Car en plus, sur la Toile, l’efficacité de Daesh est sans commune mesure avec les quelques inefficaces campagnes de contrepropagande menées, telle que celle du Think Again, Turn Away, par le Département d’Etat américain : 70.000 comptes Twitter et Facebook, estiment certains, ouverts par l’EL, et jusqu’à 90.000 posts publiés chaque jour…

 Naïveté donc de ceux qui ont en charge la diplomatie publique et qui ne comprennent toujours pas combien leurs classiques appels à la « modération » tombent à plat, car ils s’adressent à des jeunes gens agités, idéalistes, assoiffés d’aventure, de gloire et de sens. (Je souligne.)

   Le silence des intellectuels. C’est sous ce dernier sous-chapitre que Scott Atran termine son analyse. S’il y a quelques remarquables initiatives sur le terrain, pour lui, il manque gravement d’actions ambitieuses auprès de la jeunesse des 90 nations actuelles tentée par l’aventure révolutionnaire de Daesh. Il y a des ONG et des jeunes qui ont de bonnes idées pour contrer la force attractive de l’EL, mais les gouvernements n’en font pas une priorité ni n’engagent de fonds suffisants pour soutenir leurs actions sur le terrain. Et quand, l’une ou l’autre organisation reçoit quelque subside, elles ne sont pas relayées par le monde intellectuel, qui, d’après l’anthropologue et selon sa propre expérience vécue dans le monde universitaire américain, ne prend pas la mesure de l’urgence, et se maintient dans des discussions académiques qui n’ont aucun impact direct vis-à-vis de leur Etat qui s’est engagé à marche forcée vers une guerre sans limite (…)


   J’en termine, mais avec le souhait de citer Scott Atran une dernière fois, dans son ultime et remarquable paragraphe, soulignant quelques passages à mes yeux essentiels :

L’intervention, dans le champ politique, d’intellectuels responsables était autrefois une part vibrante de notre vie publique. Pas pour promouvoir une action "certaine claire et forte", comme l’avait écrit Martin Heidegger en soutien de Hitler, mais pour imaginer des voies et des scénarios raisonnables, dignes d’examen. Aujourd’hui, ce champ a été abandonné à des prêcheurs manichéens et des bloggeurs, animateurs radio et autres apôtres télévisuels. Ces gens font rarement le travail en profondeur auquel les intellectuels devraient se consacrer.
"L’intellectuel, écrivait Raymond Aron il y a 60 ans, s'efforce de n'oublier jamais ni les arguments de l'adversaire, ni l'incertitude de l'avenir, ni les torts de ses amis, ni la fraternité secrète des combattants".
Les civilisations s’élèvent et s’effondrent selon la vitalité de leurs idéaux culturels, pas seulement selon le poids de leurs actifs matériels.
L’Histoire nous apprend que la plupart des sociétés cultivent des valeurs sacrées pour lesquelles leurs peuples sont prêts à se battre passionnément, à risquer des pertes sérieuses et même la mort, sans faire de compromis.
Notre recherche suggère qu’il en est souvent ainsi pour ceux qui se joignent à l’EI, et pour de nombreux Kurdes qui s’opposent à lui sur les lignes de front. Mais jusqu'à présent, nous ne trouvons aucune volonté comparable chez la majorité des jeunes dans les démocraties occidentales. Avec la défaite du fascisme et du communisme, la recherche de confort et de sécurité ne semble pas suffire à combler leur vie. Suffit-elle à assurer la survie - à défaut du triomphe -  des valeurs que nous pensons acquises, et sur lesquelles nous avons la conviction que le monde est fondé ? Plus que la menace que font peser les djihadistes, ces questions représentent le principal problème existentiel de nos sociétés ouvertes.


  Voilà. J’en ai terminé. Je n’ai eu que peu de commentateurs sous les notes que j’ai consacrées à la simple lecture de l’article de l’anthropologue Scott Atran, publié d’abord en ligne sur l’Obs, il y a maintenant sans doute déjà deux semaines.

J’en tire au moins deux conclusions :

ü      La première, en lien avec ce que j’ai lu par exemple sur le blog de l’Ouximer de l’Obs, c’est que l’on ne se donne de moins en moins chez nous le temps de la vraie et authentique lecture, et que dans l’impatience et les préjugés personnels ainsi qu’idéologiques, on peut aller jusqu’à produire un résumé de pur contresens de la pensée d’un auteur qui n’agrée pas d'emblée et que l'on snobe en conséquence en le survolant, quitte à contrefaire ce qu’a effectivement exprimé un auteur comme Scott Atran. C'est désolant en effet.

ü     La seconde, beaucoup plus fondamentale, c’est qu’en effet, même si l’anthropologue s’exprime à partir du continent nord-américain la plupart du temps, il m’a perso, encore plus convaincue que les réponses sécuritaire (chez nous) et militaire (au Moyen-Orient), ne suffisent strictement pas. Et qu’il faudrait effectivement que les politiques de nos Etats mettent de conséquents moyens (financiers mais aussi culturels) pour sa jeunesse, sa jeunesse si oubliée et sacrifiée sur l’autel du marché de l'embauche et des restrictions budgétaires. Leur politique toutefois a peu de marge de manœuvre, pas tant à cause du libre-marché, mais du capitalisme, je veux dire strictement par là la logique financière qui n’a pour but que de faire plus d’argent avec de l’argent. Hier, j’écoutais un économiste à la radio, nullement d’extrême-gauche, et qui affirmait que le monde allait tout droit dans le mur, car la majorité absolue des transactions mondiales n’étaient plus que virtuelles et financières (de l’argent qui fait de l’argent), sans plus aucun lien direct avec l’économie qui fait vivre (ou mourir) les humains. Tant que nous ici nous préférons le déni d’une telle réalité (et sans doute à juste titre à cause de la monstruosité qu’a donné la pseudo-alternative communiste), et que nous continuons à confondre économie libérale avec la logique capitaliste au point de la laisser faire, eh bien, non seulement c’est à terme la disparition de la classe moyenne de chez nous qui se prépare, mais ce ne peut être aussi que la tentation de la radicalisation ethno-religieuse des laissés-pour-compte de notre régime ultralibéral qui progresserait, voire qui risquerait d’établir demain un rapport de force contre nos principes démocratiques mêmes, confondus hélas avec la logique du Grand Capital. Et qui, quant à lui, se trouve lamentablement traduit dans les publications extrémistes d'origine arabe en ennemi d'hier, les croisés chrétienset, en ennemi atavique d'hier comme d'aujourd'hui, les Juifs, amalgamés  et essentialisés en usuriers. Idiotes de telles identifications bien évidemment,  mais hélas tellement avalées comme pain béni aujourd'hui par tant de musulmans frustrés et aveuglés de ressentiment...

      Grâce à l’article de Scott Atran, j’ai pu mieux saisir la force attractive du Califat, avancée comme un pseudo ordre moral supérieur d’ordre politico-socio-économique, en alternative à l'ordre colonial, à nos démocraties, considérées encore comme l'ordre du dominant d'hier à peine ; califat d'autant plus attrayant que notre système s’avère de plus en plus inégalitaire, ne proposant quasi plus rien pour sa jeunesse non privilégiée, et semblant ne pouvoir résister à la logique infernale de la pure finance et des multinationales…


lundi 15 février 2016

Lecture (plus synthétique) de l'article de Scott Atran

Lecture d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution (5)



   Je vais tout de même accélérer le tempo de ma lecture commentée de l’article de Scott Atran ici, sans quoi, je ne l’aurai pas terminée à Pâques (voire à la Trinité) ! D’autant plus que dans les jours à venir, je n’aurai que peu de temps à consacrer à mon blog.

 Mon propos se fera donc nettement plus synthétique mais veillant à demeurer au plus près du texte et particulièrement de l’intention clairement exprimée de son auteur, car c’est précisément sur elle que j’ai lu le plus de contresens.

 On peut se méprendre en effet sur le terme de révolution que l’anthropologue choisit pour rendre compte longuement de la réalité de l’Etat islamique vécue comme telle par ses leaders, ses combattants et ses admirateurs. Ou, plus exactement, de prêter immédiatement à son signataire (et à celle qui le commente ici) l’intention de vouloir donner une acception (et appréciation morale) positive à ce terme en ce qui concerne Daesh. Et on se méprend d’autant plus que, précisément, en tant qu’anthropologue, Scott Atran décrit les caractéristiques de Daesh en ce qu’elles les partagent avec d’autres mouvements de type révolutionnaire, qu’ils soient considérés comme un bien (une rose) ou comme un mal absolu (un national-socialisme).

 On se méprend surtout sur l’intention directrice de cet article. L’ayant relu bien lentement ce matin même, je peux l’interpréter ainsi : A force de seulement diaboliser l’Etat islamique au lieu de l’analyser, - et jusqu’à refuser de le nommer comme tel -, on le caricature et surtout on le simplifie ; et paradoxalement, on risque alors de minimiser sa puissance d’efficacité fédératrice ainsi que sa possible persistance dans la durée.

   Ce pourquoi Scott Atran prend-t-il tant de temps en sous-chapitres pour montrer la puissance révolutionnaire même de l’Etat islamique. Ainsi, le pouvoir d’une cause transcendante comme Dieu et le pseudo salut de toute l’humanité ; celui du combat mené au nom de valeurs sacrées ; celui de la gloire, de la camaraderie entre pairs et de la fusion de l’identité individuelle dans le groupe, qui galvanisent tant de jeunes et rendent la mort en martyr si fascinante ; celui de la revanche contre l’ancien ordre colonial ; celui en conséquence du mythe très fédérateur du califat (arabe) contre la démocratie libérale (occidentale) ; celui d’une organisation très structurée dès le départ, en différence d’autres mouvements terroristes, comme hier le mouvement anarchiste terroriste d’origine russe[1] qui a sévi un temps en Occident, ou aujourd’hui Al-Qaïda au Moyen-Orient, etc.


   Comme indiqué dans une note antérieure, Scott Atran compare aussi Daesh au nazisme, en anthropologue bien évidemment, à savoir du point de vue de sa capacité à regrouper les masses. Et comme dans ce long article, ce n’est pas le centre de son sujet, il renvoie à une autre étude où il l’aborde plus longuement. Toutefois, très rapidement dans l’article dont il est question ici, Atran porte mêmement en évidence cette compréhension (diabolique) qu’Adolf Hitler avait de la dynamique des masses. Atran cite un propos de l’écrivain George Orwell[2], et je cite ce passage, quant à moi, en entier :

« Hitler sait que les êtres humains ne veulent pas seulement le confort, la sécurité, les heures de travail de courte durée, l'hygiène, le contrôle des naissances et, dans le bon sens commun. Ils ont également, au moins par intermittence, l'envie de lutte et de sacrifice de soi, pour ne pas mentionner les tambours, drapeaux et défilés. Peu importe comment sont leurs théories économiques, le fascisme et le nazisme sont plus sonores psychologiquement que toute conception hédoniste de la vie. »


    Oui, l’Etat islamique comme le fascisme et le nazisme sont plus sonores et plus efficaces que toute conception hédoniste de la vie.

 Et c’est à cela ce que, dans son article, Scott Atran tente de porter notre attention et aussi, je suppose, celle de nos dirigeants, faisant donc le choix de préférer un article publié dans un grand quotidien qu’une étude académique dans une revue de spécialistes.


   Synthétisant ainsi, je pense pouvoir en terminer la lecture en une unique et dernière note prochaine.

  Sans inutile guéguerre de type infantile, il n’empêche que je n’en reviens pas de la pseudo synthèse, - et de ses purs contresens -, de l’article de Scott Atran à laquelle prétend une blogueuse de l’Obs[3]. C’est sans doute, à première vue, plus dommage que dommageable, dans la mesure où, particulièrement sur l'Obs, la blogosphère n'est plus du tout la priorité du Journal. Il n'empêche, que celle-ci doit refléter une part importante de l'opinion publique. Et si des gens pouvant manier aussi facilement et avec art la plume et le pinceau, se trompent aussi grossièrement sur le sens et l'intention d'un auteur, eh bien, il y a de quoi être très pessimiste sur la capacité de la doxa tout court à pouvoir et vouloir encore comprendre ce qui se passe et ce qui se joue en réalité. Et donc de pouvoir encore, en meilleur connaissance de cause, questionner le pouvoir en place sur le bien-fondé des mesures spectaculaires qu'il prend (comme la déchéance de nationalité), et a contrario, du peu de moyens financiers qu'il octroie aux associations qui se battent sur le terrain, et sans médiatisation, contre la radicalisation des jeunes en milieu défavorisé.

  
[1]  A ne pas confondre avec le courant anarcho-syndicaliste (dont une des célèbres figures fut Rosa Luxemburg) et qui, s’il a été opprimé dans le sang, ne fut pas un mouvement terroriste.
[2]  On peut lire l’entièreté de l’article de George Orwell en anglais ici : http://worldview.carnegiecouncil.org/archive/worldview/1975/07/2555.html/_res/id=sa_File1/v18_i007-008_a010.pdf
[3] http://savoirvivredelouximer.blogs.nouvelobs.com/archive/2016/02/07/l-ordre-nouveau-578882.html

jeudi 11 février 2016



 Lecture lente et commentée d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution (4)




   Ce n’est hélas pas simple pour moi de poursuivre comme si de rien n’était la simple lecture de l’article de Scott Atran. Il me faut faire abstraction de ces lectures empressées et erronées qui non seulement ont déjà caricaturé le propos de l’anthropologue mais ont diabolisé le mien. D’autant plus que sur certains points, je ne souscris pas à tout ce que Scott Atran avance dans cet article, particulièrement dans des passages où transparaissent ses propres prises de position citoyenne. Ce pourquoi, c’est sans doute la dénomination d’article et non d’étude qui ici convient le mieux. Et c’est ce qu’il est dans le chef même de son auteur qui le publie d’abord en langue anglaise dans la revue en ligne Aeon et en traduction française dans l’Obs.
Mais, comme suggéré dans ma note intermédiaire, le hic doit sans doute venir du fait que beaucoup se sentent en état de guerre, et que du coup, n’importe quelle analyse du phénomène de Daesh, - et par définition, une analyse se doit de suspendre tout jugement moral, du moins dans son travail intellectuel – est hélas et fiévreusement déjà interprété comme un acte de haute trahison et de collaboration avec l’ennemi.

   Ceci étant dit, je poursuis.


   C’est bien en anthropologue que Scott Atran publie son article. Tout anthropologue tente d’inscrire son analyse d’un phénomène vécu par un groupe d’humains dans l’une des différentes dynamiques déjà étudiées dans sa discipline par quelques savants remarquables, et qui étudie, quant à elle, comment se fédèrent des humains en ethnies, en nations, ou (et) sous la bannière d’une cause transcendante (religieuse ou laïque).
Pour Atran, la révolution de l’Etat Islamique n’échappe pas à cette logique primaire de l’espèce humaine, et qui à la différence des autres vivants, est comme d’autres dans l’histoire universelle, auto-prédatrice. Ce qui peut choquer dans son propos, c’est précisément qu’il n’en fait pas une exception absolue, qu’il ne l’identifie pas d’office à une ethnie ni à une religion précise, du moins en tant qu’anthropologue en acte. Pourtant aujourd’hui en Europe, nous devrions savoir que « le plus jamais ça » tant proclamé après l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale qui a fait un peu plus de 60 millions de morts, dont presque 6 millions par génocide, n’était qu’un vœu incantatoire et qu’il n’a strictement pas pu servir de leçon depuis lors…

   Scott Atran précise donc que dans l’histoire plurielle de l’humanité, depuis ce que, avec Karl Jaspers, philosophe allemand du 20e siècle, il appelle la période axiale, des communautés d’humains à grande échelle se sont regroupées sous les auspices de divinités puissantes, qui ont puni sans pitié ceux qui transgressaient la morale – s’assurant ainsi de la docilité de tous, même les étrangers, dans des empires multiethniques, chacun devant travailler et se battre comme un seul homme.
 Il n’est pas interdit de penser que l’idée même de nation en soit une sorte d’aboutissement (commentaire personnel).

 A l’appui du Léviathan de Thomas Hobbes (1651), Scott Atran reprend l’expression forte de privilège de l’absurdité, ce privilège, ou plus exactement, cette terrible conscience humaine de se savoir programmée pour mourir ; et qui, selon eux, pousse l’espèce humaine à mettre la plus grande énergie – en bien comme en mal -, pour donner du sens à l’existence humaine. Et, poursuit Atran, seuls les vivants humains, dans leur conscience unique de se savoir mortels, les poussent à contrer l’absurde de cette « tragédie de la cognition ». Pour le meilleur comme pour le pire.

 Et à l’appui de Charles Darwin dans son étude La filiation de l’homme (1871), Atran souligne que les groupes de vivants humains qui ont le plus de change de durer par rapport à d’autres, sont ceux qui cultivent une sorte de moralité (patriotisme, fidélité, obéissance, courage, compassion). Bref, qu’elles soient religieuses ou laïques, il faut que les valeurs d’un regroupement d’humains soient considérées comme sacrées par l’ensemble de cette communauté pour que la cause de n’importe quel groupe ait la chance d’aboutir.

 J’extrapole un peu sur l’article de l’anthropologue pour achever ma note du jour. Plus loin, Scott Atran, montre que dans sa lutte pour l’indépendance contre la Métropole britannique, le jeune peuple américain a eu besoin d’autre chose que des mots de Thomas Jefferson (signataire de la déclaration d’Indépendance), quand l’armée de la Grande-Bretagne a envoyé une force navale supérieure en nombre aux habitants que comptait New York à l’époque. Tout semblait même perdu devant un tel déploiement de force, et beaucoup de combattants commençaient à déserter la cause. Puis vint le discours mémorable de George Washington et qui mit l’armée en fusion, dans l’hiver rude de Valley Forge, précisément par ce qu’il en appelait à la valeur sacrée de liberté.


   Deux p’tits commentaires personnels pas drôles du tout pour clôturer ce billet :

  1 - Hélas, tout le monde le sait, le sacré d’ici n’est pas le sacré de là-bas (cf. ce qu’écrivait déjà le sage Montaigne sur de simples us et coutumes en amont ou en aval de la région de Bordeaux), et hier comme aujourd’hui au lieu de fédérer toute l’espèce humaine, il galvanise des troupes armées plutôt que de générer des congrès de sages de toute la planète pour une paix mondiale et le sauvetage (il n'est même plus temps de parler de salut) à moyen terme de l'espèce humaine sur notre p'tite planète.

 2 - Il faudra sans doute, hélas, attendre, des cataclysmes d’un nouveau genre (à savoir ceux dus au réchauffement climatique et à surpopulation mondiale) pour que les vivants humains mettent enfin une sourdine à leurs obsessions religieuses et idéologiques.

   Et au fond, ce sera même pas sûr…

       


lundi 8 février 2016


Lecture lente et commentée d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution (3)

Note intermédiaire




   Je commence par une réflexion personnelle avant de poursuivre. Sur une certaine atmosphère très particulière qui risque d’asphyxier toute tentative de pensée sans passion. Cette atmosphère, c’est celle de la guerre. S’il y a bien guerre contre Daesh en Syrie (quoiqu’elle ne soit pas clairement la priorité absolue de toutes les armées de l’air qui interviennent dans son ciel), elle ne l’est pas (encore) en France ou en Belgique. Si elle l’était, elle devrait porter le qualificatif de civil ; guerre civile.
Pourtant, beaucoup raisonnent, ou résonnent plus exactement, déjà dans cette atmosphère tout à fait exceptionnelle (entendre aussi l’état d’exception sous ce déterminant). Il faudrait avoir à l’esprit le type de littérature qui abonde en temps de guerre et qui ne souffre aucune exception, sinon celle du traître à sa patrie, et qui unanimement ne décrit plus l’autre que comme l’ennemi à abattre. Ce dernier ne se doit donc plus qu’avoir cette seule et unique figure, celle de l’ennemi. Et en effet, comment mobiliser autrement, en temps de guerre effective, la chair à canon de toute armée, sans cette caricature, sans cette haineuse galvanisation ? Car si ces autres, qui cependant nous menacent,  conservent un visage, un visage humain au sens lévinasien,  eh bien, les simples ploucs risquent de ne plus vouloir tuer, ne plus avoir le courage de tuer et risquent de glisser dans la culpabilité, la désertion ou la maladie mentale. Et si je puis dire, en temps de guerre, la pensée manichéenne s’avère quasi vitale pour la bonne santé mentale de tout le monde.

   Ce pourquoi donc il faut aussi tout faire, quand faire ce peut encore, pour ne point rentrer tête baissée dans cette logique infernale. Et il me semble que l’étude que propose Scott Atran participe de cette volonté de nous faire comprendre pourquoi selon certaines enquêtes, un jeune français sur quatre, et malgré ses horreurs bien connues, est encore tenté de rejoindre les combattants de l’Etat islamique.

   Je sais bien ce qu’il m’en coûte à moi-même (et m’en coûtera dans la suite de mes billets) de vouloir rendre compte et poursuivre l’analyse de Scott Atran. Car son propos d’anthropologue est déjà devenu inaudible, insupportable dans l’atmosphère actuelle et au regard des plus de cent assassinés à Paris en novembre dernier. Et vouloir seulement comprendre d’où parlent ces autres qui fascinent une certaine jeunesse européenne malgré leurs crimes abjects, en tentant d’en saisir l’une ou l’autre causes, je le sais, sera quasi automatiquement mal interprété. Mais je relativise, je ne risque pas grand-chose, sauf à être encore un peu plus anathématisée à coup de caricatures. Mais heureusement, comme le dit l’adage, le ridicule ne tue pas !

  

   Ce qui hélas paraît déjà proprement insupportable dans le propos de l’anthropologue Scott Atran, c’est comment il inscrit un mouvement de type révolutionnaire comme EI (mais le nazisme par exemple se présentait bel et bien, lui aussi, en tant que révolution, imposant par la force « un ordre nouveau »), dans l’histoire universelle des mouvements qui ont beaucoup tué au nom d’un idéal, et plus exactement au nom d’un idéal sacrificiel.

   C’est ce que je tenterai de résumer dans une prochaine note.



   Ici, j’ai tout mon temps.

samedi 6 février 2016


Lecture lente et commentée d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution (2)




La capacité d’attraction de l’Etat islamique


   Sous ce sous-titre, Scott Atran entend critiquer l’opinion assez répandue selon laquelle l’Etat islamique ne serait qu’une simple déclinaison d’un extrémisme terroriste, car une telle réduction masque la puissance fascinatrice que EI exerce  sur certains jeunes autant donc que sa véritable menace (je souligne).

 Oui, EI exerce un pouvoir d’attraction et qui peut même procurer de la joie. Joie de l’héroïsme de ses combattants, souvent des jeunes gens, prêts à se battre jusqu’à la mort ; sentiment de fusion avec tous les camarades unis pour une cause glorieuse. Je cite Atran : « Une joie qui s’accroît quand s’assouvit leur colère et s’étanche leur soif de vengeance (la science nous apprend que cela peut procurer au cerveau et au corps un réconfort similaire à d’autres formes de bonheur).
 Mais on constate aussi une forme de joie dans la région chez certains habitants qui, même s’ils n’approuvent pas la violence meurtrière de Daesh, se réjouissent de la renaissance du califat contre l’ordre politique imposé par les anciennes grandes puissances sur leur modèle d’Etat-nations, et que beaucoup identifient comme l’origine de tous leurs malheurs.
 Et ici encore, on aurait tort de croire qu’une telle révolution ne serait qu’un retour à un âge moyenâgeux. Non, le Califat, précise l’anthropologue, est à la recherche d’un ordre nouveau, basée sur la culture contemporaine.

« Nous ne renvoyons pas les gens au temps des pigeons voyageurs » déclare l’attaché de presse d’EI à Raqqa. « Au contraire, nous profiterons des nouveaux développements. Mais dans un sens qui ne soit pas contraire à la religion. »


 C’est aussi cela la réalité de l’Etat islamique et ses aspirations, et Scott Atran de nous inciter à ouvrir les yeux sur elles car « si nous refusons de les aborder autrement que par la force militaire, nous attiserons probablement ces passions et une nouvelle génération connaîtra la guerre, et pire encore».

 

   Je n’ai plus le temps de poursuivre aujourd’hui.

 Je précise à l’attention de ceux qui, ailleurs, se scandalisent déjà de mon choix de suivre de près l’analyse de Scott Atran, que plus loin dans cet article paru dans l’Obs en ligne du 2 février, mais beaucoup plus longuement dans une autre étude, l’anthropologue établit aussi un parallèle entre Etat islamique et nazisme (lire  Etat islamique : l’illusion du sublime (http://artisresearch.com/wp-content/uploads/2014/10/Satran-Cerveau-Psycho-oct-nov-2014.pdf)





jeudi 4 février 2016

Une lecture lente d'une étude de Scott Atran


Lecture lente et commentée d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution (1)







   Scott Atran est un anthropologue franco-américain et spécialiste du terrorisme. Il est directeur de recherche au CNRS et enseigne à la fois à l’université d’Oxford et à celle du Michigan. Son long article fut publié d’abord par la revue américaine Aeon et ensuite, en traduction française, dans l’Obs en ligne, le 2 février 2016.

Scott Atran introduit son étude par une citation, forte, puissante de Robespierre et dont la logique implacable peut fasciner autant que donner froid dans le dos. Le ton de l’article est ainsi tout de suite donné : révolution et violence, en même temps qu’il nous ramène à la terreur de certaines heures de la Révolution Française chez nous. Je la cite tant elle me semble symptomatique de l’effroyable efficience d’une justification rationaliste de la violence au nom d’une révolution politique et de son ordre moral nouveau et radical :

« La vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émancipation de la vertu. »


 Sous le titre Le paradis à l’ombre des sabres, reprenant ainsi un hadith tiré d’un recueil considéré comme le plus authentique après le Coran, Atran dresse le portrait de l’Etat islamique sunnite (EI). De son incroyable progression territoriale et d’adeptes en deux ans à peine. Soutenu par une armée de volontaires, la plus grande et la plus diverse depuis la seconde guerre mondiale. Cette brève citation est devenue le slogan populaire des combattants d’EI, et qui correspond parfaitement au plan djihadiste totalitaire et mondial de leur calife autoproclamé, Abou Bakr al-Baghdadi.

 Scott Atran a mené plusieurs enquêtes auprès de jeunes des milieux défavorisés et considérés comme pourvoyeurs de djihadistes potentiels, autant dans plusieurs banlieues parisiennes que dans celles de villes du Maroc. Et Atran est formel : On se trompe complètement ici en Europe en les considérant comme nihilistes (sans doute par une projection de ce qui nous concerne, nous. C’est moi qui commente.) Non, ce que l’anthropologue et son équipe tirent comme conclusion, est beaucoup plus inquiétant : EI constitue pour d’innombrables jeunes en désœuvrement chez nous un véritable projet, extrêmement séduisant, qui donne enfin sens à leur existence, en même temps qu’il le redonnerait au monde à sauver en le changeant radicalement.


   Mon commentaire : A cause de l’horreur de la violence barbare en Syrie (décapitations) et sophistiquée à l’arme de guerre à Toulouse, Bruxelles, en Suède, et surtout à Paris par deux fois, on risque de ne pas vouloir voir et surtout saisir combien EI aimante cette jeunesse en mal d’idéal en terre européenne. Je sais, c’est extrêmement choquant pour nous d’user du mot « idéal », et pourtant, si l’on entend combattre telle gangrène, on se doit de la comprendre de l’intérieur. Et c’est pourquoi je prends le temps de lire très attentivement l’étude remarquable de Scott Atran.

 Et malgré des différences intrinsèques, - et que je sais fondamentales -, il nous faut tout de même risquer un parallèle entre tous ces adolescents d’hier qui se sont fait enrôler et sont morts à Verdun par exemple dans la Première Guerre Mondiale, surtout, tous ces jeunes, animés par l’idéal socialiste, qui ont rejoint les Brigades Internationales dans la guerre d’Espagne contre Franco, avec ceux qui aujourd’hui partent pour rejoindre les troupes de l’Etat islamique. Je sais, je sais, - et je l’ai écrit -, il y a phénoménales différences, mais en tout cas pas du point de vue de cet âge critique de la jeunesse qui aujourd’hui comme hier ou avant-hier a vitalement besoin de trouver du sens à donner à son existence en même temps qu’au monde. Age aussi essentiel qu’à hauts risques.

 Je n’oublie pas perso, qu’un jour, précisément à la fin de mon adolescence, j’ai pu enfin entendre la question tendre et critique de mon cher papa, et qui me demandait avec humour mais sans mépris, alors que je commençais à lire Marx dans la passion où je voulais changer le monde, comment cela se faisait que depuis la haute civilisation égyptienne, et parmi les plus justes, personne n’avait jamais trouvé the régime qui incarnât le Bien absolu.
Non, je n’oublie pas. Pas non plus qu’à l’adolescence, tout homme rêve d’absolu.

   Je compte poursuivre la lecture de cette étude de Scott Atran sous ce tempo lent, en proposant mes propres réflexions au plus près de l’article.

  Et ce que d’autres me suivront ? Je n’en sais rien mais l’espère un peu.



mercredi 3 février 2016

Plume fait la leçon à plume !



Plume fait la leçon à plume !


Billet pour rire
Et redevenir zen









ü    Mais qu’est-ce qui t’a pris, plume ?
ü    J’sais pas, ou plutôt, si, je sais, je voulais redescendre du plafond.
ü    Hein ?
ü  Ben oui, Plume, je n’arrêtais pas d’y grimper ces derniers jours, et donc j’ai voulu que ça s’arrête.
ü    Et tu crois que tu as réussi, plume ?
ü    J’sais pas…J’crois pas.
ü    Donc, t’as eu tort, mon amie !
ü    Quoi ? Tu préfères que je reste suspendue au plafond alors ?
ü   Non, j’dis pas ça, mais tu aurais dû, si je puis dire, laisser pisser le mouton.
ü   Facile à dire ! Toi, tu as l’beau jeu, t’es la plume légère ! Et c’est toujours à moi que tu  laisses l’autre pour inscrire le grave.
ü    Oh ! Oh ! Stop mon amie ! Ne t’engage pas dans cette voie-là, je t’en prie. Tu sais très bien que nous sommes inextricablement liées l’une à l’autre, telles des sœurs siamoises.
ü    Oui, Plume, t’as raison, mais des fois, c’est dur, dur…
ü    Bien. Maintenant que t’es calmée, on peut discuter ?
ü    Ouais, mais si tu me fais pas la morale.
ü    D’accord.
ü    Top là !
ü   OK. Je te repose la question : Pourquoi t’as réagi  et sur-réagis ? Tu sais bien tout de même que ça ne sert à rien, non ?
ü    C’était pour redescendre du plafond, je te l’ai déjà dit !
ü    Mais, tu viens de m’avouer que c’était pas sûr que ce soit le cas !
ü    Plume, on va pas s’en sortir comme ça, toutes les deux…
ü    En effet, plume. Alors on procède comment pour faire le point ?
ü    Je propose que je t’explique ce qui m’a pris, bien calmement, et puis, toi, tu réagis.
ü    D’accord. Je t’écoute.
ü    Tu sais bien que c’est d’un commun accord qu’on a émigré ici mais en gardant une p’tite fenêtre ouverte sur notre blog de l’Obs.
ü    Raison de plus pour s’en foutre de ce qui s’y écrit contre nous, non ?
ü    Ecoute-moi d’abord jusqu’au bout, Plume, m…e alors !
ü    ….
ü    Je considère que cette émigration nous est profitable pour plusieurs raisons fondamentales mais qu’elle ne nous prive nullement de pouvoir encore intervenir ici ou là sur la blogosphère de l’Obs. Et que justement si ça se passe mal, toi et moi, nous pouvons en reparler en liberté ici même.
ü    T’as pas tort sur ce coup-là.
ü    Ah ! Tu vois ! Merci.
ü    Ouais, mais je t’attends au tournant !
ü    En effet, notre émigration n’a rien changé dans le fait de celui qui s’obsède de tout ce que nous écrivons depuis des années, n’est-ce pas ?
ü    Oui, et j’ai bien ri quand sur un de ses blogs d’adoption, et parce que toi aux commandes, tu avais tenu à préciser, à propos de la subjectivité de n’importe quel sujet dans n’importe quelle connaissance (de pure doxa – mais alors contingente et particulière - ; et même de science – mais alors nécessaire et universelle), qu’il était cependant indispensable de maintenir la recherche des faits et de la vérité, dans la ligne de la pensée de Jacques Bouveresse -, il avait foncé tête baissée et une fois encore caricaturé, tronqué et surtout télescopé notre propos, en faisant alors allusion cette fois aux intellectuels scientifiques ! [1]
ü    Déjà ça, ça m’a fait grimper au plafond.
ü   T’as tort, mon amie de grimper au plafond pour une peccadille aussi insignifiante !
ü  Sans doute. Mais tu sais bien, que ce petit jeu obsessionnel dure depuis des années, et quasi sans exception, à chacune de mes interventions. C’est usant à la longue.
ü   Tu n’es pas la seule, plume. C’est pareil pour un Nolats ou un B.L. Pourquoi tu ne t’en fous pas plus, et, pardon, beaucoup mieux surtout que tu ne viens de le faire ?
ü    Peut-être. Mais vois-tu, à force d’écraser, écraser encore et encore, des fois je sors de mes gongs.
ü    Ah ! Parce que tu considères que tu es sortie de tes gongs sur le blog de Vlad[2] ?
ü    Non, j’ai essayé de rétablir la vérité de mon propos, c’est tout.
ü    Et tu as réussi peut-être ?
ü    Non, je dois bien le reconnaître…
ü    Et tu as vu ce que ta peine perdue a donné chez l’Ouximer [3]?
ü    Oui…
ü    Tu ne vas pas quand même rétablir ta vérité là en plus, si ?
ü    Non, non. Je sais que cela ne servira à rien.
ü    Ris, ma plume, ris !
ü    Tu crois ? Tu crois qu’il n’y a pas quelque chose de grave, au-delà de nous, dans cette doxa d’amalgame ?
ü  Non ! C’est même risible. Un p’tit club du troisième âge dans le désœuvrement, si tu veux mon avis ! Et toi, si tu ne fais pas gaffe et que tu continues à sur-réagir comme tu viens de le faire, eh bien, t’en feras complètement partie !
ü    T’as sans doute raison, Plume.
ü    Ben ouais, plume.
ü   Ca me rappelle le p’tit propos de Maurice Blanchot que nous aimons tant…
ü    Oui, je le connais par cœur.
ü   - Je le sais. Il faut que nous soyons deux. - Mais pourquoi deux paroles pour dire une même chose ? - C’est parce que celui qui la dit, c’est toujours l’autre.
ü    T'es un peu apaisée maintenant ? Peut-on revenir à nos essentiels ?
ü    Oui, voilà, je redescends du plafond !
ü    Ah ! Il était temps !




[1] Ayant seulement en vue hier (et que peu de temps pour rédiger un début de commentaire adressé à Nolats et à tout qui veut) une petite réflexion sur la représentation naïve de l’idéologie (au sens négatif et péjoratif) et auxquels les uns succomberaient et les autres pas, je n’ai pas assez insisté sur le fait que c’est l’opinion que je critiquais de la sorte (et nous y sommes tous dans l’écriture blogueuse).
Il ne peut être question de généraliser ce petit propos tel quel à toute démarche rigoureuse, qu’elle soit d’exigence scientifique ou aussi par exemple judiciaire. Pourquoi j’insiste ? Parce que lorsque l’on met en avant une inéluctable subjectivité dans l’ordre de la connaissance (même la plus exigeante) ou quand j’écris que nous n’avons du réel que des représentations (réalités), on pourrait tomber dans le subjectivisme et le relativisme, en se méprenant sur cette subjectivité-là (Kant l’appelait « transcendantale » (nécessaire et universelle)), et en la confondant avec la subjectivité de l’opinion (relative et particulière).
Même si aucun savoir n’est neutre, on ne peut abandonner le langage ni surtout la recherche des « faits » (Jacques Bouveresse écrit presque constamment « faits factuels ») et de la « vérité » (vérité scientifique, historique, judicaire). 
Voilà. Cet ajout était important, du moins pour moi.
[2] Cf. mes commentaires ici aussi bien que ceux de B.L. : http://autantenemportelevent.blogs.nouvelobs.com/archive/2016/01/22/diversite-laicite-et-le-reste-577924.html#c983070
[3] http://savoirvivredelouximer.blogs.nouvelobs.com/archive/2016/02/02/l-ouximer-change-de-look-578546.html#c983068