samedi 20 février 2016

Lecture d’un article
De Scott Atran


L’Etat islamique est une révolution

(fin)
  



   Je voudrais insister, dans la fin de ma lecture de l’article de l’anthropologue Scoot Atran, sur deux sous-chapitres intitulés Le manuel de l’Etat islamique et L’extinction de la zone grise.
Dans le premier, Atran s’attarde sur le manifeste signé par le pseudonymique Abou Bakr Naji dans la gestion de la terreur et du chaos. Et si on songe aux derniers massacres récents perpétrés par Daesh à Paris, Ankara, Beyrouth ou Bamako, on ne peut que les reconnaître en application brutale et littérale :

1- Frapper des cibles faciles : "Diversifier et élargir les frappes perturbatrices contre l’ennemi croisé-sioniste en tous lieux du monde musulman, et même en dehors si possible, afin de disperser les efforts de l’alliance ennemie et ainsi l’épuiser au maximum".
2- Frapper quand les victimes potentielles ont baissé la garde afin de maximiser la peur dans les populations et affaiblir leurs économies : "Si une station touristique où se rendent les croisés… est frappée, toutes les stations touristiques dans tous les États du monde devront être protégées par l’envoi de renforts armés, deux fois plus importants qu’en temps normal, et par une énorme hausse des dépenses."
3- Canaliser la propension à se rebeller de la jeunesse, leur énergie et leur idéalisme et leur aspiration au sacrifice, pendant que les imbéciles les incitent à la modération et les détournent du risque : "Inciter des groupes issus des masses à partir vers les régions dont nous avons le contrôle, en particulier les jeunes… [car] les jeunes d’une nation sont plus proches de la nature innée [de l’homme] du fait de la rébellion qui est en eux et que les groupes musulmans inertes [ne cherchent qu’à réprimer].
4- Entraîner l’Occident aussi profondément et activement que possible dans le bourbier de la guerre : "Dévoilez la faiblesse du pouvoir centralisé de l’Amérique en poussant ce pays à renoncer à la guerre psychologique médiatique et à la guerre par personne interposée, jusqu’à ce qu’ils se battent directement." Idem pour les alliés de l’Amérique.


   Et, ce que Scott Atran souligne dans le second, La zone grise, me semble tellement fondamental pour comprendre la dangerosité de l’Etat islamique, que je ne ferai que le reproduire :


"L’extinction de la zone grise" est un article de 12 pages publié au début de l’année 2015 par le magazine en ligne de Daech, "Dabiq". Il décrit la zone qu’occupent par la plupart des musulmans, entre lumière et obscurité, entre le bien et le mal, autrement dit, entre le califat et le monde des infidèles, une zone que "les saintes opérations du 11 septembre" ont mis en évidence.
L’article cite Oussama Ben Laden, dont l’EI est le véritable héritier. "Le monde est aujourd'hui divisé en deux. Bush avait raison de dire : 'soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes', même si les vrais terroristes sont les croisés occidentaux. L’heure est maintenant arrivée de produire un nouvel événement propre à diviser le monde et à détruire la zone grise". 
Cet événement a pris la forme des attentats du 13 novembre à Paris visant à créer le chaos en Europe, de même que les attaques en Turquie et au Liban avaient pour but d’introduire plus de sauvagerie et de chaos au Moyen-Orient.
L’accueil généreux de réfugiés syriens représenterait une réponse efficace à cette stratégie ; à l’inverse, le rejet général des réfugiés est une réponse perdante. Nous aurions intérêt à célébrer la diversité et la tolérance dans la "zone grise" ; mais la tendance générale en Europe, parmi l’élite politique comme dans la population, est de s’entendre pour la détruire.
En Europe, la montée de l’islam radical a coïncidé avec une poussée des mouvements xénophobes et nationalistes. Les deux phénomènes participent partiellement du faible taux de natalité en Europe (1,6 enfant par couple), ce qui crée un besoin d’immigration afin de maintenir une force de travail et un bon niveau de vie pour la classe moyenne, pilier de toute démocratie libérale. A une époque où l’immigration n’a jamais été aussi mal tolérée, on n’a jamais eu tant besoin d’immigrés. 
Dans les régions que l’EI contrôle, ou celles qui leur sont adjacentes, les populations ne soutiennent ni l’EI, ni l’occident (et maintenant la Russie). Ce ne sont pas des fanatiques ou des guerriers, et elles ne tiennent pas mourir en martyres. l’EI sait cela, et pousse ses ennemis à attaquer la population des centres urbains qu'elle contrôle. Il y a de toute façon très peu d’infrastructures à cibler : le régime est semi-nomade, sans frontière fixe, et l’EI déplace sans cesse son matériel militaire très mobile et ses troupes.
Ce sont donc surtout les populations locales qui souffrent. Beaucoup de gens, s’ils avaient pu en avoir l’occasion, auraient fui à la fois l’EI et les bombes de ses ennemis, mais ils sont coincés et ils dépendent, pour leur protection, de la bannière noire. Au moindre signe indiquant qu’ils puissent être dans la "zone grise", ils sont punis de mort. Mais l'histoire montre que les bombardements aériens durcissent l’opinion des populations contre les pays qui bombardent, quel que soit le régime général dans lequel ils vivent.
En Syrie et dans une grande partie de l’Irak, il n’y a presque plus de "zone grise", surtout pour une jeunesse arrachée à ses foyers soit pour être enrôlée de force dans tel ou tel groupe de combattants, soit pour se transformer en réfugié et s’exiler vers les limbes.


   Nous nous faisons donc en Occident des illusions sur la mort prochaine de l’El. Rien qu’au plan financier, même dans le cas coûteux des  attentats du 11 septembre 2001, la terreur est en quelque sorte très bon marché par rapport au coût de la réponse sécuritaire et militaire que l’Occident lui apporte. De plus, la terreur ne mobilise que quelques hommes ; son combat, des milliers.
 Pour Atran donc, il faudrait que l’Occident s’interroge de façon critique sur ses stratégies de riposte. Car en plus, sur la Toile, l’efficacité de Daesh est sans commune mesure avec les quelques inefficaces campagnes de contrepropagande menées, telle que celle du Think Again, Turn Away, par le Département d’Etat américain : 70.000 comptes Twitter et Facebook, estiment certains, ouverts par l’EL, et jusqu’à 90.000 posts publiés chaque jour…

 Naïveté donc de ceux qui ont en charge la diplomatie publique et qui ne comprennent toujours pas combien leurs classiques appels à la « modération » tombent à plat, car ils s’adressent à des jeunes gens agités, idéalistes, assoiffés d’aventure, de gloire et de sens. (Je souligne.)

   Le silence des intellectuels. C’est sous ce dernier sous-chapitre que Scott Atran termine son analyse. S’il y a quelques remarquables initiatives sur le terrain, pour lui, il manque gravement d’actions ambitieuses auprès de la jeunesse des 90 nations actuelles tentée par l’aventure révolutionnaire de Daesh. Il y a des ONG et des jeunes qui ont de bonnes idées pour contrer la force attractive de l’EL, mais les gouvernements n’en font pas une priorité ni n’engagent de fonds suffisants pour soutenir leurs actions sur le terrain. Et quand, l’une ou l’autre organisation reçoit quelque subside, elles ne sont pas relayées par le monde intellectuel, qui, d’après l’anthropologue et selon sa propre expérience vécue dans le monde universitaire américain, ne prend pas la mesure de l’urgence, et se maintient dans des discussions académiques qui n’ont aucun impact direct vis-à-vis de leur Etat qui s’est engagé à marche forcée vers une guerre sans limite (…)


   J’en termine, mais avec le souhait de citer Scott Atran une dernière fois, dans son ultime et remarquable paragraphe, soulignant quelques passages à mes yeux essentiels :

L’intervention, dans le champ politique, d’intellectuels responsables était autrefois une part vibrante de notre vie publique. Pas pour promouvoir une action "certaine claire et forte", comme l’avait écrit Martin Heidegger en soutien de Hitler, mais pour imaginer des voies et des scénarios raisonnables, dignes d’examen. Aujourd’hui, ce champ a été abandonné à des prêcheurs manichéens et des bloggeurs, animateurs radio et autres apôtres télévisuels. Ces gens font rarement le travail en profondeur auquel les intellectuels devraient se consacrer.
"L’intellectuel, écrivait Raymond Aron il y a 60 ans, s'efforce de n'oublier jamais ni les arguments de l'adversaire, ni l'incertitude de l'avenir, ni les torts de ses amis, ni la fraternité secrète des combattants".
Les civilisations s’élèvent et s’effondrent selon la vitalité de leurs idéaux culturels, pas seulement selon le poids de leurs actifs matériels.
L’Histoire nous apprend que la plupart des sociétés cultivent des valeurs sacrées pour lesquelles leurs peuples sont prêts à se battre passionnément, à risquer des pertes sérieuses et même la mort, sans faire de compromis.
Notre recherche suggère qu’il en est souvent ainsi pour ceux qui se joignent à l’EI, et pour de nombreux Kurdes qui s’opposent à lui sur les lignes de front. Mais jusqu'à présent, nous ne trouvons aucune volonté comparable chez la majorité des jeunes dans les démocraties occidentales. Avec la défaite du fascisme et du communisme, la recherche de confort et de sécurité ne semble pas suffire à combler leur vie. Suffit-elle à assurer la survie - à défaut du triomphe -  des valeurs que nous pensons acquises, et sur lesquelles nous avons la conviction que le monde est fondé ? Plus que la menace que font peser les djihadistes, ces questions représentent le principal problème existentiel de nos sociétés ouvertes.


  Voilà. J’en ai terminé. Je n’ai eu que peu de commentateurs sous les notes que j’ai consacrées à la simple lecture de l’article de l’anthropologue Scott Atran, publié d’abord en ligne sur l’Obs, il y a maintenant sans doute déjà deux semaines.

J’en tire au moins deux conclusions :

ü      La première, en lien avec ce que j’ai lu par exemple sur le blog de l’Ouximer de l’Obs, c’est que l’on ne se donne de moins en moins chez nous le temps de la vraie et authentique lecture, et que dans l’impatience et les préjugés personnels ainsi qu’idéologiques, on peut aller jusqu’à produire un résumé de pur contresens de la pensée d’un auteur qui n’agrée pas d'emblée et que l'on snobe en conséquence en le survolant, quitte à contrefaire ce qu’a effectivement exprimé un auteur comme Scott Atran. C'est désolant en effet.

ü     La seconde, beaucoup plus fondamentale, c’est qu’en effet, même si l’anthropologue s’exprime à partir du continent nord-américain la plupart du temps, il m’a perso, encore plus convaincue que les réponses sécuritaire (chez nous) et militaire (au Moyen-Orient), ne suffisent strictement pas. Et qu’il faudrait effectivement que les politiques de nos Etats mettent de conséquents moyens (financiers mais aussi culturels) pour sa jeunesse, sa jeunesse si oubliée et sacrifiée sur l’autel du marché de l'embauche et des restrictions budgétaires. Leur politique toutefois a peu de marge de manœuvre, pas tant à cause du libre-marché, mais du capitalisme, je veux dire strictement par là la logique financière qui n’a pour but que de faire plus d’argent avec de l’argent. Hier, j’écoutais un économiste à la radio, nullement d’extrême-gauche, et qui affirmait que le monde allait tout droit dans le mur, car la majorité absolue des transactions mondiales n’étaient plus que virtuelles et financières (de l’argent qui fait de l’argent), sans plus aucun lien direct avec l’économie qui fait vivre (ou mourir) les humains. Tant que nous ici nous préférons le déni d’une telle réalité (et sans doute à juste titre à cause de la monstruosité qu’a donné la pseudo-alternative communiste), et que nous continuons à confondre économie libérale avec la logique capitaliste au point de la laisser faire, eh bien, non seulement c’est à terme la disparition de la classe moyenne de chez nous qui se prépare, mais ce ne peut être aussi que la tentation de la radicalisation ethno-religieuse des laissés-pour-compte de notre régime ultralibéral qui progresserait, voire qui risquerait d’établir demain un rapport de force contre nos principes démocratiques mêmes, confondus hélas avec la logique du Grand Capital. Et qui, quant à lui, se trouve lamentablement traduit dans les publications extrémistes d'origine arabe en ennemi d'hier, les croisés chrétienset, en ennemi atavique d'hier comme d'aujourd'hui, les Juifs, amalgamés  et essentialisés en usuriers. Idiotes de telles identifications bien évidemment,  mais hélas tellement avalées comme pain béni aujourd'hui par tant de musulmans frustrés et aveuglés de ressentiment...

      Grâce à l’article de Scott Atran, j’ai pu mieux saisir la force attractive du Califat, avancée comme un pseudo ordre moral supérieur d’ordre politico-socio-économique, en alternative à l'ordre colonial, à nos démocraties, considérées encore comme l'ordre du dominant d'hier à peine ; califat d'autant plus attrayant que notre système s’avère de plus en plus inégalitaire, ne proposant quasi plus rien pour sa jeunesse non privilégiée, et semblant ne pouvoir résister à la logique infernale de la pure finance et des multinationales…


23 commentaires:

  1. Très intéressant, fouillé, documenté, mais -effectivement- "pessimiste par rapport à notre compréhension occidentale du phénomène EIIL (traduction Daesh) ou rétablissement du Califat, de l'islamologue Rachid Benzine dans LE MONDE DES LIVRES d'hier vendredi 19 février : "Des prémices de l'islam à nos jours, un travail fouillé explore l'institution politique et religieuse. LE CALIFAT, TOUR D'HORIZON, à propos du livre LE CALIFAT, HISTOIRE POLITIQUE DE L'ISLAM, de Nabil Mouline (Champs "Histoire", inédit, 288 p).
    Ne pas oublier qu'avec les Omeyades puis les Abassides, le Califat fit face à l'empire byzantin chrétien. Aujourd'hui avec l'EIIL fait face à l'occident chrétien...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci BL d’être passé. Oui, personnellement, j’ai appris beaucoup grâce à l’article de Scott Atran, et hélas telle connaissance ne rend pas optimiste. Ce que montre fort bien l’anthropologue, c’est le pouvoir terriblement attirant de Daesh en tant que rêve de califat aujourd’hui même, malgré la diffusion des images de ses atrocités. J’ignorais personnellement à quel point, au vu de son histoire, il pouvait constituer un rêve pour beaucoup dans le monde arabe et représenter l’espoir de l’accomplissement du panarabisme sous un autre modèle que celui de nos Etats-nations.
      Ailleurs, un Momo (qui représente sans doute bien d’autres citoyens lambda – ce pourquoi je prends le temps de réagir chez moi) n’a strictement rien compris (ou rien voulu comprendre) à ce propos ni au mien bien entendu. Il est évident que pour contrer l’extrême dangerosité de l’Etat islamique, il faut au minimum saisir ce qu’il représente pour ceux qui le défendent armes à la main au Moyen-Orient et dans la terreur un peu partout dans le monde, mais surtout réaliser pour quelles plurielles raisons il risque de l’être aussi par un part inquiétante de l’opinion arabe dans nos pays, tout particulièrement auprès d’une jeunesse désœuvrée, sans but ni sens à donner à son existence ici.
      Momo a dû seulement tomber sur le mot « capitalisme » dans ma seconde remarque à la fin de ce long compte rendu, et ça lui suffit pour m’imaginer en anticapitaliste révolutionnaire ! Du coup, dans sa logique qui tourne tel un tambour sur elle-même, il s’imagine que je défends Daesh comme l’« ordre nouveau » contre l’Occident capitaliste ! S’il m’avait lue réellement, il aurait constaté que je suis, sur le plan économique, libérale, pour le libre-marché, mais que l’économie libérale est hélas de plus en plus sous la coupe de la pure puissance financière spéculative mondiale et confondue avec celle-ci. L’état de crise économique devient donc de plus en plus souvent permanent. Avec ses conséquences désastreuses sur le plan social.
      Et c’est dans ce contexte précis, que j’ai voulu insister sur le risque de plus-value (mythique) que représenterait a contrario la pseudo pureté de l’alternative du Califat malgré l’horreur qu’est effectivement l’Etat islamique.
      Il me paraît d’autre part qu’il faille prendre en compte aussi dans notre analyse ici en Occident, le poids de ressentiment qu’éprouve hélas encore une population dont les parents ont encore directement connu le régime colonial. Moi aussi, je préfèrerais tellement que cette page soit définitivement tournée, mais voilà, si nous, nous aimerions ne plus jamais en entendre parler, ce n’est pas la réalité vécue par la seconde génération postcoloniale. Et une telle prise en compte de la réalité de l’autre n’équivaut nullement à de l’auto-flagellation comme je l’entends quasi toujours.

      Je stoppe. Sur ce dernier point, si j’en suis capable et en ai surtout le courage, j’écrirai une note à part entière.

      Supprimer
    2. Le régime colonial ici, mais là la façon dont nos nations ont découpé les territoires à l'est du Machrerk, s'arrogeant les tutelles politiques (ou "mandats"), bouleversant les équilibres tribaux, créant des "dynasties" bédouines, avant même l'instauration des politiques profitant aux "pétroliers"...

      Supprimer
    3. Oui, Bruno, il y a aussi les "mandats"...Et à propos des découpages quasi au cordeau, il y a précisément ce soir sur Arte, un documentaire à 20H40 : "Berlin 1885 : la ruée sur l'Afrique". Slate Afrique (http://www.slateafrique.com/519/sahel-frontieres-conference-berlin) s'associe à la chaîne franco-allemande et publie un dossier sur les frontières héritées de la Conférence de Berlin. Trois écrivains et journalistes du continent analysent leur impact sur la vie des Africains. Lu ce matin sur ce site en titre : "Sahel, un découpage au cordeau et des pays dans le flou. La problématique des frontières héritée de la colonisation empoisonne l'Afrique sahélienne depuis plus d'un siècle."

      Supprimer
  2. Merci Plume. On saisit mieux l'attrait des jeunes pour le jihad et quelles peuvent être les réponses à apporter. Caroline Fourest (cf. interview de Scott Atran - "l'invité des matins" sur F. Culture avec Guillaume Erner), qui a bien compris, elle, le discours de Scott Atran, préfère employer le mot « dépassement » de soi à celui de « transcendance » (à connotation trop religieuse)qui explique la séduction [fascination?] qu'exerce le jihadisme à travers le monde et pas seulement dans nos banlieues. C'est là un aspect que nos démocraties minimisent tant elles sont persuadées que la raison doit naturellement dominer le discours. En réalité « la raison est et a toujours été l'esclave des passions et des émotions », dit Scott Atran. Nous prêchons la modération, ajoute-t-il mais cela n'a aucun attrait pour nos jeunes [on peut le comprendre] au lieu d'offrir des alternatives. Et on occulte le fait que c'est aussi un mouvement qui exerce une joie profonde, un certain bonheur, ne serait-ce que celui de la revanche [Ah ! la revanche...]

    Je m'interroge dès lors sur l'efficacité de diffuser dans les écoles des films tel que « ne m'abandonne pas » (il y a une pétition qui circule, que j'ai signée). Les parents n'ont aucune idées de ce qui se passent dans la tête de leurs enfants dit encore Scott Atran [des témoignages de parents qui n'ont rien vu venir vont dans ce sens]. Il a même demandé au FBI combien ils étaient à travailler avec des jeunes et à essayer de les comprendre. Réponse : « zéro ».

    Y'a du boulot.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Annick,

      C'est sympa de passer ici pour la première fois ! J'ignorais que Caroline Fourest avait dialogué sur France-culture avec Scott Atran (ou ai-je mal compris ?)

      Hasard : Il se fait que je viens de passer plusieurs heures à vérifier le projet d'une thèse qui doit passer après-demain au comité du FNRS (Fonds National pour la Recherche Scientifique). J'y apprends qu'il y a des départements universitaires de part le monde qui entendent se pencher sérieusement sur la problématique jeunes / djihadisme. Il est à espérer que de telles recherches puissent rapidement être vulgarisées, particulièrement au niveau d'organes de sécurité étatique (comme le FBI).

      Supprimer
    2. Lire "de par le monde".
      L'ennui sur ce blog, c'est qu'il ne semble pas possible de corriger un commentaire après sa publication.

      Supprimer
    3. http://www.franceculture.fr/emissions/les-matins/scott-atran-lhomme-qui-compris-les-terroristes
      C'est une interview de Scott Atran par Guillaume Erner, avec intervention de Caroline Fourest et Brice Couturier. Ce dernier dit qu'il avait choqué en faisant le parallèle avec les Brigades Internationales et demande l'avis de S. Atran. On connaît la réponse.
      Il y a une deuxième partie que je n'ai pas (encore) écoutée.
      Tant mieux en ce qui concerne le travail fait par le FNRS.
      PS Moi, ça me fait drôle de voir mes messages apparaître immédiatement. On n'était plus habitués...

      Supprimer
    4. Merci Annick pour le lien. J'ai déjà écouté la première partie jusqu'à l'excellente question de Caroline Fourest, et qui demande à l'anthropologue si le succès de l'Etat islamique chez nous, ne vient pas d'abord du fait qu'on ne croit plus tout simplement aux idées, à la force des idéaux dans nos démocraties. A quoi Atran répond en effet que chez nous, dans nos démocraties, on croit que l'esprit, la raison sont devenus naturels et qu'ils devraient dominer le discours, mais en réalité on oublie que la la raison a toujours été l'esclave de la passion, que cela a toujours été ainsi et le sera toujours. (Je poursuis l'écoute de cet entretien.)

      Supprimer
    5. J'ai fini l'écoute de l'entretien avec Atran. Sur la question posée par Caroline Fourest à propos des Frères musulmans, il semble suggérer une alliance stratégique avec eux (il en parle pourtant en terme d'alliance avec le diable) afin que l'Etat islamique finisse "dans les poubelles de l'Histoire".
      Il termine sur une note très pessimiste, rappelant le dialogue épistolaire entre Freud et Einstein sur le nazisme à la veille de la Seconde Guerre Mondiale…

      En tout cas donc, Atran a été complètement lu de travers (survolé ou même pas lu du tout) par certains sur la blogosphère de l’Obs. Ca non plus, ce n’est pas bon signe.

      Supprimer
    6. Bonjour Plume, tout d'abord une petite rectif à mon commentaire : il n'y a pas de seconde partie (me suis trompée)
      Ensuite, il faut savoir que Scott Antran travaille pour des gouvernements européens et américain, qu'Obama s'inspire de ses ouvrages et théories et qu'il a fait récemment une déclaration très remarquée au Conseil de sécurité de l'onu (cf. F Culture). Il faut donc espérer que ses collaborateurs, lecteurs et auditeurs le comprennent correctement (à mon avis, oui) !

      Voici un petit récapitulatif intéressant  :

      http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160129.OBS3685/pour-lutter-contre-l-ei-il-faut-s-interesser-a-son-pouvoir-de-seduction.html

      A propos des Frères musulmans : Scott Atran dit qu'il est prêt à s'allier avec le diable pour défaire l'Etat islamique. Mais il ne dit pas que les Frères musulmans sont le diable. Il a travaillé avec eux et aussi avec le Hamas. Il les trouve « dingues », mais n'ont pas la dangerosité de Daesh. Sur ce dernier point Caroline Fourest est d'accord. C'est avec les combattants d'Al-Nosra, avec lesquels il a aussi passé beaucoup de temps, qu'il est prêt à s'allier. Dans un premier temps...

      Supprimer
    7. Annick, en effet, j'ai été réécouter et puisqu'il est important d'être le plus rigoureux possible, c'est en effet toi qui as raison.
      N'empêche, ce qu'Atran rapporte des Frères musulmans est non seulement dingue mais tout de même terriblement dangereux, non ?

      Supprimer
    8. J'ai lu grâce à ta référence, l'interview de l'anthropologue sur l'Obs. Le projet de thèse dont j'ai fini de corriger l'orthographe (ce matin encore) se propose précisément de partir du vécu de ces jeunes revenus de Syrie (dont la majorité est aujourd'hui en prison). Atran est excessif quand il avance qu'il n'y a aucune prise en compte du vécu de cette jeunesse qui part rejoindre l'Etat islamique. Du moins, c'est ce qui est infirmé par les références précises de départements universitaires qui se penchent sur cette question et que j'ai découvertes dans le projet de thèse en question. Mais, c'est certainement insuffisant par rapport au danger mondial que constitue Daesh.

      Supprimer
    9. Oui, mais ce n'est pas clair. Ils ont dit à Atran qu'ils étaient intéressés par une bombe atomique, que l'Arabie Saoudite serait détruite, qu'ils marcheraient sur Jérusalem dans moins de 10 ans, que la monarchie était effacée. Ils ont parlé de la façon dont ils réformeraient l'économie, parce que l'Egypte avait le meilleur sable du monde... Tout cela est complètement fou. Reste à savoir quelle est leur capacité de nuisance. Je ne sais pas mais le sourire d'Antran me semble éloquent : ils n'ont pas les moyens de leurs ambitions.


      Supprimer
  3. Au lendemain de l'attentat du 09/11, Pascal Quignard écrivait : "Début de la première guerre civile,mondiale".
    Ne pas comprendre qu'il s'agit bel et bien d'une révolution mais de niveau mondial risque de nous empêcher d'y faire face.
    Comme si tout en s'en moquant on avait pris à la lettre la phrase du philosophe américain Fukuyama : "la fin de l'histoire". Une sorte de monde-machine (Gunther Anders)fonctionnant désormais selon une "logique infernale de la pure finance et des multinationales…", évacuant ainsi le politique.
    On le reçoit en pleine figure.
    Chapeau pour ces longues notes mais qui enb valaient la peine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Benoît,

      Merci de m'avoir lue et de trouver que cela valait la peine de consacrer plusieurs notes de lecture à l'article de Scott Atran.

      Je sais que tu es un lecteur attentif de ce brillant esprit qu'est Pascal Quignard. Comme tout le monde, j'ai vécu les attentats du 11 septembre 2001 comme un séisme, mais sur le coup, je n'aurais pas pu le concevoir comme le fait Quignard. Les événements depuis lui donnent (hélas) raison.

      Ton allusion à Gunter Anders (l'ancien mari de Hannah Arendt) me donne l'idée de proposer une autre lecture (lente) de quelques passages essentiels qu'Arendt écrit dans "L'impérialisme, les origines du totalitarisme".

      Oui, au second degré, Fukuyama, doit rire très jaune depuis la publication de son best seller...L'a oublié le pouvoir même des anciens oubliés de l'Histoire avec un grand H (la nôtre), pas tellement mieux que le discours de Sarkozy à Dakar, et sa célèbre déclaration : "Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire".
      Au vu de ce qui est en train de se déployer, pas sûre que Sarko n'eût pas préféré que l'Afrique reste hors de l'histoire avec un grand H, à savoir d'abord celle des guerres totales...

      Supprimer
    2. A préciser, Fukuyama est revenu sur sa thèse et s'est remis en question.

      Supprimer
    3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

      Supprimer
  4. Désolé pour les fautes de frappe.

    RépondreSupprimer
  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour Plumeplume, et aux autres participants.
    Le texte issu du "manuel" de l'état islamique montre le caractère cynique et pragmatique (sur ce point on est loin des envolées mystiques): semer la peur et entrainer la riposte militaire pour créer l'embourbement.
    Le point 3) sur la propension à la rébellion dans le jeunesse est particulièrement important, tous les totalitarismes se sont appuyés sur la manipulation et l'embrigadement de la jeunesse.
    Alors effectivement "l'appel à la modération" n'est pas de nature à susciter l'enthousiasme, sans perspective concrète d'épanouissement.

    Le texte sur la "zone grise" montre la stratégie de créer une division complète entre l'Islam (religion-civilisation-nation) et le reste du monde, en attirant tous les musulmans modérés, acculturés, tolérants, progressistes etc. dans le camp fondamentaliste.

    Je suis beaucoup plus sceptique sur le paragraphe relatif au "besoin" d'immigration de main d’œuvre dans une région continentale qui compte parfois 50% de chômeurs dans sa jeunesse, disons que la recherche de main d’œuvre à bas cout l'emporte sur les considérations de natalité. Le problème relatif à l'accueil de migrants porte surtout sur l'ampleur de ces arrivés dans une période de situation économique et sociale déjà calamiteuse, et où la proportion de population de provenance récente non encore effectivement intégrée est importante. On peut regarder la question sous tous les angles, il y a dépassement des capacités d'accueil et d’absorption, on en est au stade où les pays les plus "accueillants" opèrent leur sélection et cherchent à renvoyer leurs déboutés dans les pays voisins. Comment continuer à laisser entrer de nouveaux contingents, quand ceux qui sont déjà sur place campent dans la boue au seuil de destinations fermées, sont repoussés d'un pays à l'autre, s'ajoutent ou se substituent aux populations précarisées à la charge des collectivités? Non possumus. J'ai bien conscience sur cette question d'être en désaccord avec l'auteur de l'étude, et les autres intervenants de ce fil de discussion.

    Par contre, la proposition "nous aurions intérêt à célébrer la diversité et la tolérance dans la "zone grise"" me parait en effet une nécessité dans notre société, pour éviter le repli identitaire et donc le communautarisme.
    Mais, et là on en vient aux "idéaux" à proposer, la diversité se bâti autour du tronc commun des valeurs, des symboles et du "récit" national. Cela intègre une société plus "juste", tout en sachant que notre marge de manœuvre locale est infime pour changer globalement le système du monde. Nous devons donc en ce qui concerne notre pays prendre une certaine marge de liberté par rapport au "marché mondialisé" dont l'UE est courroie de transmission, afin de rétablir certaines régulations.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Nolats,

      Nous avons eu une longue panne générale d'électricité hier.
      Je réponds à ton paragraphe sur l'afflux de migrants sur le territoire européen. Je ne dirais pas que je suis en désaccord complet avec ton point de vue. Et c'est en effet choquant de constater que dans de nombreux de nos pays, le taux de chômage est très élevé et que les plans gouvernementaux pour le diminuer ne semblent pas efficaces. Mais il ne s'agit pas d'abord d'un problème de migrants mais de réfugiés qui fuient la guerre et qu'ils doivent être protégés selon la Convention dite de Genève. C'est la plus grave crise humanitaire de migration depuis la Seconde Guerre Mondiale. La situation de saturation de pays limitrophes à la Syrie est bien plus critique.
      Il me semble que ce qui est grave, c'est qu'il n'y a pas une politique commune au niveau européen et que ce sont les Etats qui défendent chacun leurs intérêts nationaux, fermant leurs frontières, repoussant, comme tu l'écris, les déboutés vers d'autres pays, d'autres frontières...

      Je sais que cette réalité est très complexe, plus gigantesque et plus compliquée, à l'heure de la mondialisation, que n'a été la crise humanitaire et l'accueil des boat-peoples par exemple. Il y a les maffias des passeurs, les migrants économiques, et sans doute aussi des djihadistes qui s'infiltrent en Europe, profitant de la pagaille...

      Les réponses politiques ne sont donc pas simples et, éprouvant mon incompétence ainsi que mon impuissance, je ne m'autorise pas aujourd'hui à avoir un avis tranché. J'essaie donc surtout de me tenir au courant sur le plan des faits.

      Supprimer
  7. L'affichage des commentaires récents a disparu et je n'arrive pas à la rétablir.
    Ceci est un essai.

    RépondreSupprimer