mardi 14 février 2017




Anecdote à propos d’une note récente
Retirée par mes soins parce que je n’en étais pas
Satisfaite






      A fréquence régulière depuis trente ans, je m’essaie à l’écriture d’un texte qui s’appuierait sur deux brefs extraits du Talmud, choisis et commentés par Emmanuel Lévinas dans les premières pages de Quatre Lectures Talmudiques car ce fut un événement de lecture, sans doute le plus important de mon existence intellectuelle et spirituelle, et qui m’aura plongée moi-même dans l’écriture d’un premier essai, pourtant sans rien écrire à leur sujet direct dans ce premier livre.

  Je m’y suis essayée tout récemment une nouvelle fois autour du thème de la responsabilité, mais à peine ma note publiée en fin de journée, j’en étais une fois de plus très insatisfaite, et l’ai retirée de mon blog dès le lendemain matin, soulagée qu’elle n’ait pas encore été commentée.


 Afin que mon lecteur de ce jour puisse se faire une idée de quoi il s’agit, voici le passage principal de ma note :

   « Je reste à jamais marquée par la lecture du premier chapitre d’un mince livre signé du nom d’Emmanuel Levinas, Quatre Lectures talmudiques aux éditions de Minuit.

Il y est question d’une belle querelle entre rabbins à propos de ceci inscrit dans la Michna, et qui est en soi déjà inouï :

Les fautes de l’homme envers Dieu sont pardonnées par le Jour du Pardon ; les fautes de l’homme envers autrui ne lui sont pas pardonnées par le Jour du Pardon, à moins que, au préalable, il n’ait apaisé autrui
(C’est moi qui souligne)

S’en suit une dispute intellectuelle entre rabbins dans la Guemara, à coup de versets de la Thora interposés.

Un jeune rabbin brillant, Rav, aura vexé son maître, et malgré 13 demandes en pardon, le maître ne pardonnera jamais, ne se sentant jusqu’à la mort, jamais apaisé. Pourquoi ? Pourquoi donc ?

Emmanuel Levinas l’interprète ainsi :

On peut à la rigueur pardonner à celui qui a parlé sans conscience. Mais il est très difficile de pardonner à Rav qui était pleinement conscient et promis à une grande destinée, prophétiquement révélée à son maître.

Et Levinas d’enchaîner brutalement ainsi : On peut pardonner à beaucoup d’Allemands, mais il y a des Allemands à qui il est difficile de pardonner. Il est difficile de pardonner à Heidegger (…). »




   C’est évident, je réessayerai encore, m’espérant capable de meilleurs développements ou variations autour de cet axe : responsabilité / conscience / pardon.



   Voici  maintenant l’anecdote.

 Si j’étais soulagée que ma note ne fût pas encore commentée quand je l’ai retirée, j’ignorais complètement qu’elle le serait ailleurs en son absence même. Par un blogueur sans blog qui me suit, - moi et deux, trois autres -, au plus près de ses projections à lui, sur un de ses blogs de prédilection où il n’est jamais contesté, et où il peut alimenter son fonds de commerce réactif.

  Dans un des fragments de cette note, - et là aussi je n’en étais pas satisfaite -, j’avais souhaité convoquer une des pensées à propos du contraire le plus en adéquation à la responsabilité individuelle, à savoir la mauvaise foi. Or, à mes yeux, s’il y a un auteur qui en aura parlé le plus finement, c’est bien Sartre dans L’être et le néant.
Mais il se fait que je ne me sens pas du tout en accord parfait avec Sartre, que je considère qu’il a commis des erreurs de jugement, particulièrement injustes et regrettables vis-à-vis d’Albert Camus, voire aussi des fautes politiques.

Ces bémols importants, je les inscris en début du paragraphe, mais sans penser qu’un blogueur qui systématiquement me lit au minimum de façon approximative et selon le canevas de ses projections caricaturales à mon sujet, allait comprendre carrément le contraire de ce que j’avais écrit. Notez, ce n’est pas ni la première fois ni la dernière sans doute.

Bref, quelle ne fut pas ma surprise quand sur un autre blog, je suis tombée sur ceci :

« J’ai même lu des choses étonnantes sur un blog dont la note curieusement a disparu, à savoir que Camus avait eu grand tort "d’attaquer" Sartre sur le concept de la responsabilité individuelle développée par l’existentialisme. C’est est évidemment faux ! »


 Cela aura même donné lieu à un bref échange d’accord parfait entre la propriétaire du blog et son amical commentateur. Au point que, cela finisse en hystérie avec des guillemets qui me citeraient in extenso :


« Celle qui a écrit "qu’il {Camus} a eu grand-tort de s’en prendre à Sartre" en inversant les rôles, est dans une logique de soumission , en effet ,pour des raisons à jamais partisanes à partir d’un discours, toujours le même, simplificateur où est mis en avant, le conflit I/P, le colonialisme, l’esclavage etc., pour justifier des régressions en marche qui tournent le dos à des valeurs universelles. »



 J’en revenais pas quand j’ai lu ça hier soir sur ma tablette, faisant du baby-sitting auprès de mon petit-fils. Et la première chose que j’ai voulu vérifier en rentrant chez moi ce matin, c’est ce que j’avais écrit effectivement, ayant par bonheur sauvé cette note dont je n’étais pas contente ; ce qui ne m’arrive pas du tout régulièrement.


Voici ce que j’avais écrit :


   « C’est dommage. A cause d’erreurs, voire de fautes politiques et d’un injuste traitement d’Albert Camus, on snobe aujourd’hui les écrits de Jean-Paul Sartre. Oui, dommage car on se prive ainsi de pages remarquables sur la responsabilité. Particulièrement dans L’être et le néant. »


 A la première relecture,  je n’ai strictement rien trouvé d’équivoque qui ait pu ailleurs me faire dire l’exact contraire de ce que j’avais écrit. Mais, n’empêche, le relisant tel que l’avait lu celui qui rapporte constamment mes dire ailleurs en les déformant, j’ai vite saisi la faille de ma propre expression après coup, et au fond, j’aurais dû m’armer de beaucoup plus de vigilance, en un paragraphe débutant comme ceci :


C’est dommage. A cause d’erreurs, voire de fautes politiques de la part de Sartre lui-même, et de son injuste traitement d’Albert Camus, on snobe aujourd’hui… (…)

   Mais bon, contre la mauvaise foi quasi automatique, il est très difficile de se prémunir par avance.


   Je laisse souvent pisser le mouton, mais cette fois-ci, j’ai tenu à rectifier le tir. Juste parce que le thème principal d’une note retirée par ma seule volonté me tient terriblement à cœur, à l’âme même.



2 commentaires:

  1. En fait, "notre" ni gauche ni droite a trouvé son maître outre Atlantique : un twitteur tout aussi compulsif qui lui aussi s'en prend à "nos" intellectuels, "nos" élites médiatico-politiques et qui dit à son électorat : "On est chez nous !" en expulsant à tour de bras.
    Mais il est une autre Amérique : voir sur LCP :"un aller simple" qui sera prochainement en replay.

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  2. Salut Benoît,

    Je ne découvre ton commentaire que ce soir. Je ne sais pourquoi il ne m'est plus possible ici de faire afficher le nom des intervenants. J'ai tout essayé mais ça ne fonctionne plus. Je pense émigrer sur une autre plate-forme, mais je ne sais pas trop laquelle choisir.
    Oui, il y a une Amérique de génie ! Faudrait-il que la Marine soit élue présidente pour que l'on voit à nouveau l'intelligence à l'oeuvre en France ?

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