Anecdote à propos d’une note récente
Retirée par mes soins parce que je n’en
étais pas
Satisfaite
A fréquence régulière depuis trente ans, je m’essaie à
l’écriture d’un texte qui s’appuierait sur deux brefs extraits du Talmud,
choisis et commentés par Emmanuel Lévinas dans les premières pages de Quatre Lectures Talmudiques car
ce fut un événement de lecture, sans doute le plus important de mon existence
intellectuelle et spirituelle, et qui m’aura plongée moi-même dans l’écriture d’un
premier essai, pourtant sans rien écrire à leur sujet direct dans ce premier
livre.
Je m’y suis essayée tout récemment une
nouvelle fois autour du thème de la responsabilité,
mais à peine ma note publiée en fin de journée, j’en étais une fois de plus
très insatisfaite, et l’ai retirée de mon blog dès le lendemain matin, soulagée
qu’elle n’ait pas encore été commentée.
Afin que mon lecteur de ce jour puisse se
faire une idée de quoi il s’agit, voici le passage principal de ma note :
« Je reste à jamais marquée par la lecture du premier chapitre d’un
mince livre signé du nom d’Emmanuel Levinas, Quatre Lectures talmudiques
aux éditions de Minuit.
Il y est question d’une belle
querelle entre rabbins à propos de ceci inscrit dans la Michna, et qui est en soi
déjà inouï :
Les fautes de l’homme envers Dieu sont
pardonnées par le Jour du Pardon ; les fautes de l’homme envers autrui ne
lui sont pas pardonnées par le Jour du Pardon, à moins que, au préalable, il n’ait apaisé autrui…
(C’est moi qui
souligne)
S’en suit une dispute intellectuelle
entre rabbins dans la Guemara, à coup de versets de la
Thora interposés.
Un jeune rabbin brillant, Rav,
aura vexé son maître, et malgré 13 demandes en pardon, le maître ne pardonnera
jamais, ne se sentant jusqu’à la mort, jamais apaisé. Pourquoi ? Pourquoi
donc ?
Emmanuel Levinas l’interprète
ainsi :
On peut à la rigueur pardonner à celui qui a
parlé sans conscience. Mais il est très difficile de pardonner à Rav qui était
pleinement conscient et promis à une grande destinée, prophétiquement révélée à
son maître.
Et Levinas
d’enchaîner brutalement ainsi : On
peut pardonner à beaucoup d’Allemands, mais il y a des Allemands à qui il est
difficile de pardonner. Il est difficile de pardonner à Heidegger (…). »
C’est évident, je réessayerai encore, m’espérant
capable de meilleurs développements ou variations autour de cet axe : responsabilité / conscience / pardon.
Voici maintenant l’anecdote.
Si
j’étais soulagée que ma note ne fût pas encore commentée quand je l’ai retirée,
j’ignorais complètement qu’elle le serait ailleurs en son absence même. Par un
blogueur sans blog qui me suit, - moi et deux, trois autres -, au plus près de
ses projections à lui, sur un de ses blogs de prédilection où il n’est jamais
contesté, et où il peut alimenter son fonds de commerce réactif.
Dans un
des fragments de cette note, - et là aussi je n’en étais pas satisfaite -, j’avais
souhaité convoquer une des pensées à propos du contraire le plus en adéquation à
la responsabilité individuelle, à savoir la mauvaise
foi. Or, à mes yeux, s’il y a un auteur qui en aura parlé le plus finement,
c’est bien Sartre dans L’être et le néant.
Mais
il se fait que je ne me sens pas du tout en accord parfait avec Sartre, que je
considère qu’il a commis des erreurs de jugement, particulièrement injustes et regrettables
vis-à-vis d’Albert Camus, voire aussi des fautes politiques.
Ces
bémols importants, je les inscris en début du paragraphe, mais sans penser qu’un
blogueur qui systématiquement me lit au minimum de façon approximative et selon
le canevas de ses projections caricaturales à mon sujet, allait comprendre
carrément le contraire de ce que j’avais écrit. Notez, ce n’est pas ni la
première fois ni la dernière sans doute.
Bref,
quelle ne fut pas ma surprise quand sur un autre blog, je suis tombée sur ceci :
« J’ai même lu des choses étonnantes sur un blog dont la
note curieusement a disparu, à savoir que Camus avait eu grand tort
"d’attaquer" Sartre sur le concept de la responsabilité individuelle
développée par l’existentialisme. C’est est évidemment faux ! »
Cela aura même donné
lieu à un bref échange d’accord parfait entre la propriétaire du blog et son amical
commentateur. Au point que, cela finisse en hystérie avec des guillemets qui me
citeraient in extenso :
« Celle
qui a écrit "qu’il {Camus} a eu grand-tort
de s’en prendre à Sartre" en inversant les rôles, est dans une logique de
soumission , en effet ,pour des raisons à jamais partisanes à partir d’un
discours, toujours le même, simplificateur où est mis en avant, le conflit I/P,
le colonialisme, l’esclavage etc., pour justifier des régressions en marche qui
tournent le dos à des valeurs universelles. »
J’en revenais pas quand j’ai lu ça hier soir
sur ma tablette, faisant du baby-sitting auprès de mon petit-fils. Et la
première chose que j’ai voulu vérifier en rentrant chez moi ce matin, c’est ce
que j’avais écrit effectivement, ayant par bonheur sauvé cette note dont je n’étais
pas contente ; ce qui ne m’arrive pas du tout régulièrement.
Voici
ce que j’avais écrit :
« C’est
dommage. A cause d’erreurs, voire de fautes politiques et d’un injuste
traitement d’Albert Camus, on snobe aujourd’hui les écrits de Jean-Paul Sartre.
Oui, dommage car on se prive ainsi de pages remarquables sur la responsabilité.
Particulièrement dans L’être et le néant. »
A la première relecture, je n’ai strictement rien trouvé d’équivoque
qui ait pu ailleurs me faire dire l’exact contraire de ce que j’avais écrit.
Mais, n’empêche, le relisant tel que l’avait lu celui qui rapporte constamment
mes dire ailleurs en les déformant, j’ai vite saisi la faille de ma propre
expression après coup, et au fond, j’aurais dû m’armer de beaucoup plus de
vigilance, en un paragraphe débutant comme ceci :
C’est
dommage. A cause d’erreurs, voire de fautes politiques de la part de Sartre
lui-même, et de son injuste traitement d’Albert Camus, on snobe aujourd’hui… (…)
Mais bon, contre la mauvaise foi quasi
automatique, il est très difficile de se prémunir par avance.
Je laisse souvent pisser le mouton, mais cette
fois-ci, j’ai tenu à rectifier le tir. Juste parce que le thème principal d’une
note retirée par ma seule volonté me tient terriblement à cœur, à l’âme même.
En fait, "notre" ni gauche ni droite a trouvé son maître outre Atlantique : un twitteur tout aussi compulsif qui lui aussi s'en prend à "nos" intellectuels, "nos" élites médiatico-politiques et qui dit à son électorat : "On est chez nous !" en expulsant à tour de bras.
RépondreSupprimerMais il est une autre Amérique : voir sur LCP :"un aller simple" qui sera prochainement en replay.
Salut Benoît,
RépondreSupprimerJe ne découvre ton commentaire que ce soir. Je ne sais pourquoi il ne m'est plus possible ici de faire afficher le nom des intervenants. J'ai tout essayé mais ça ne fonctionne plus. Je pense émigrer sur une autre plate-forme, mais je ne sais pas trop laquelle choisir.
Oui, il y a une Amérique de génie ! Faudrait-il que la Marine soit élue présidente pour que l'on voit à nouveau l'intelligence à l'oeuvre en France ?