Résister d’une double façon
À la terreur islamiste chez nous

Hier matin, l’invité de l’émission
radio de Matin première sur la RTBF, était Gilles Kepel, universitaire
et spécialiste français de l’islam et du monde arabe.
Très
intéressante interview. A propos des derniers attentats de Paris de novembre
2015, Gilles Kepel établissait une importante différence entre les attentats
meurtriers de janvier (à Charlie Hebdo et à l’Hyper
Casher de Vincennes) et ceux, beaucoup plus importants en nombre de
victimes, perpétrés au Bataclan, aux terrasses de café dans
le cœur de Paris, et sans doute empêchés au Stade de France. Si dans le premier
cas, une petite part de la population a pu affirmer « Je ne suis pas Charlie »,
voire pire et oser se dire « Je suis
Kouachi », tel n’est plus du tout le cas, d’après Gilles Kepel, face aux
derniers crimes perpétrés par de jeunes délinquants reconvertis en islamistes fanatisés
à la va-vite. Car, affirme le
spécialiste, contrairement au 7 janvier,
on peine, après le 13 novembre, à trouver des gens qui expriment publiquement
le moindre soutien à Abaaoud et à ses comparses. Le fait que ces attaques aient
ciblé de manière indiscriminée la jeunesse, composée aussi de jeunes musulmans,
a suscité un rejet massif. »
Car
que veut l’organisation criminelle et mafieuse Daesh ? La guerre
civile en nos pays, répond fermement Kepel. Que suite aux attentats, et dans l’espoir
de réactions vengeresses violentes (des pogroms) de la part des Français (ou
autre peuple européen visé), la communauté musulmane française (et musulmane européenne)
se rallie à sa cause à elle. « L'économie politique du terrorisme jihadiste
est à la fois fragile et double : d'une part, il faut sidérer l'adversaire,
l'obliger à se raidir, et d'autre part, il faut galvaniser les sympathisants
pour avoir des soutiens. »
Avec
les derniers attentats qui ont particulièrement touché indifféremment et
aveuglement toute la jeunesse, elle a fait en quelque sorte long feu.
Il faut donc chez nous résister d’une double
façon. Evidemment, d’abord, donner toutes latitudes (sous la surveillance
parlementaire) aux Services de Sécurité nationaux et européens pour traquer l’ennemi
intérieur ; ça me semble le plus élémentaire et à la fois le plus effectif.
Mais ensuite, si on entend bien Gilles Kepel, dans le monde de la doxa, il faut
aussi combattre la tendance à mettre tous les musulmans dans le même sac. Il
faut donc résister aux discours (de plus en plus décontractés hélas) qui s’obnubilent
de détails communautaires, comme le port du voile (pourvu qu’il ne soit pas
islamiste – il y en a), d’heures de baignade ou de repas hallal dans les
cantines. Des aménagements raisonnables (et seulement raisonnables, j’insiste) sont
tout à fait possibles sans menacer notre sacro-sainte ( !) laïcité.
Sans quoi, la doxa anti-musulmane et
monomaniaque fera encore un peu plus le lit de l’islamisme.
Il suffit d’entrer dans le raisonnement de
Gilles Kepel pour comprendre que l’E.I. n’attend que cela de notre
part, nous, européens, nous ce ventre mou d’après lui.
Car, comme le recommandait avec tant de
pertinence, le sage Gandhi, tu te dois de connaître les points faibles de ton
adversaire. Or le point faible du terrorisme islamiste, c’est de ne pas arriver
à traduire en termes politiques la terreur qu’il sème. Et si nous résistons à
la systématisation de tous musulmans chez nous, il est affaibli sur ce plan-là.
Et c’est essentiel.